Records de chaleur : le lien avec les GES
Est-ce que les températures records des derniers jours sont causées par les changements climatiques ? Est-ce que c’est la faute à El Niño ? On évalue les différents facteurs coupables avec Scott Sutherland de The Weather Network.
Depuis le début du mois de juillet, on bat des records de chaleur un peu partout dans le monde. Est-ce à cause des GES ?
Le 3 juillet, la température moyenne du globe a atteint une coche au-dessus de 17 °C, la plus haute température moyenne jamais enregistrée depuis 2016 selon plusieurs sources. Puis, mardi et mercredi, le mercure a augmenté à près de 17,2 °C et ne cesse de grimper.
Ce graphique illustrant la température moyenne à la surface montre à quel point il a fait chaud en 2023 (ligne noire) en comparaison avec les années précédentes depuis 1979. La ligne pointillée représente la moyenne de 1979-2000. (Source : Birkel, S.D. “Daily 2-meter Air Temperature”, Climate Reanalyzer, Climate Change Institute, University of Maine, 7 juillet 2023)
Plusieurs facteurs contribuent à ces extrêmes
En ce qui concerne les températures (les anomalies, on y reviendra), la période de l’année est déterminante. Le graphique montre les températures globales, mais on voit bien que la courbe suit les saisons de l’hémisphère nord.
Cette tendance est due aux différences géographiques entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud. Si les continents et les océans étaient répartis uniformément partout sur le globe, les températures saisonnières s’équilibreraient durant l’année.
Cependant, puisqu’il y a plus de terres au nord et plus d’océans au sud, les températures hivernales et estivales sont plus contrastées. Au sud, les océans rendent les températures plus modérées. Et la température de l’hémisphère exerce plus d’influence sur la moyenne globale.
Mais puisque les extrêmes qu’on vient de vivre dépassent de beaucoup l’ancien record, ça ne peut pas être dû seulement au cycle des saisons. Il y a d’autres facteurs en jeu.
El Niño + GES = trouble
El Niño est un facteur important. On vient de vivre plus de deux ans sous La Nina, qui amène des températures plus douces. Le retour du balancier d’El Niño annonce des températures en moyenne plus élevées. Et même en considérant cette tendance, le globe était au moins un demi-degré Celsius plus frais en 2015-2016 (lors du dernier El Niño) que maintenant.
Ce graphique montre la température moyenne le 6 juillet 2023 comparée à la température la même journée en 2015 et 2016, les dernières années El Niño, avec la moyenne pour la période 1979-2000. (Source : Climate Reanalyzer/Scott Sutherland)
Alors, si El Niño contribue aux températures records de juillet, ce n’est pas la fin de l’histoire.
Oui, c’est l’été. Oui, il y a El Niño. Mais les records sont la faute aux changements climatiques causés par nos activités — spécifiquement, nos émissions de gaz à effets de serre.
Selon Zeke Hausfather, chercheur à Berkeley Earth, le réchauffement qu’on observe concorde avec les modèles climatiques, des tendances qui devraient s’accélérer à court terme si on ne réduit pas nos émissions.
Déjà en 2023, les températures moyennes ont augmenté chaque mois : le mois de mai a été le plus chaud jamais enregistré et le mois de juin a aussi battu le record mensuel, selon l’Organisation météorologique mondiale.
Selon les prévisions des chercheurs de la NOAA, il est certain à 90 % que cette année sera une des cinq plus chaudes. Les chances sont égales que 2023 soit une des trois plus chaudes — les records comme ceux qu’on vient de voir montrent que c’est un bon pari.
Moins de pollution = plus de réchauffement
Un nouveau facteur surprenant, mais non négligeable, est l’adoption de nouveaux carburants à teneur moins élevée en soufre pour le transport maritime.
Les émissions de soufre sont à la hausse depuis des dizaines d’années à cause de l’augmentation du trafic maritime sur les océans du monde. Mais depuis 2008, la tendance est à la baisse grâce à une réglementation requérant de nouveaux carburants plus propres. Après 2020, le niveau de pollution a carrément plongé alors que l’industrie a complété la transition vers des carburants sans soufre.
Émissions globales de SO2 provenant du trafic maritime, selon les données sur les émissions d’aérosols (CEDS, 1970-2019). Les chiffres après 2019 ont été estimés par Leon Simons selon les effets projetés de la réglementation sur le dioxyde de soufre en 2020. (Source : Zeke Hausfather/Carbon Brief)
Le sous-produit de la combustion des anciens carburants, le dioxyde de soufre, se retrouvait directement dans l’atmosphère. C’est l’élément polluant qu’on associe aux pluies acides, mais il a aussi un impact sur le climat.
Selon les auteurs Hausfather et Forster sur CarbonBrief, le SO2 a un effet de refroidissement en reflétant les rayons du soleil et en aidant à condenser les nuages, qui les reflètent aussi. Ils estiment qu’une réduction de SO2 de 10 % pourrait contribuer au réchauffement du climat, mais selon leur analyse, la contribution de la réduction de SO2 aux températures globales se chiffrerait en centième de degré.
Les températures records de juillet sont environ deux dixièmes de degré au-dessus des moyennes des dernières années. C’est une différence qui ne peut pas s’expliquer totalement par la réduction de dioxyde de soufre dans l’atmosphère. Mais avec le temps, l’effet refroidissant de ce gaz va continuer à s’estomper. Selon leurs calculs, cela pourrait ajouter environ 0,05 °C à la température moyenne de la planète d’ici 2050.
Image bannière : courbe de la température, Birkel, S.D. « Daily 2-meter Air Temperature », Climate Reanalyzer, Climate Change Institute, Université du Maine, É.-U., 7 juillet 2023)