Ouverture de la COP 29 , est-ce que cet exercice a toujours sa raison d'être ?

À compter du 11 novembre, les négociations annuelles sur le climat reprendront. Cette année, elles auront lieu à Bakou en Azerbaïdjan, 25ème plus grand producteur de pétrole. Nous avons rencontré Philippe Simard, chargé de cours à l'École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Il nous brosse un tableau des défis de cette année et de l’importance des COP. NDLR Le Canada est le quatrième plus grand producteur de pétrole, juste derrière l’Arabie Saoudite et devant l’Irak.

Q– Pour les citoyens, ces COP coûtent cher, rassemblent plusieurs dizaines de milliers de personnes et n’aboutissent pas à des résultats concrets. R– Les COP sont très complexes, mais je crois qu’il faut se poser la question dans l’autre sens. Où serions-nous sans les COP? Celles-ci nous rappellent chaque année qu’on a une crise à régler et qu’il faut travailler ensemble pour y arriver. Les COP ont donné lieu à de grandes réussites. Grâce à ces rassemblements, nous avons réussi à nous donner une cible à l’échelle mondiale. L’accord de Paris est une réussite phénoménale.

La trajectoire d’émissions, avant l’accord de Paris, nous amenait vers un réchauffement planétaire de 4 °C. Maintenant, si on atteint toutes nos cibles climatiques, nous aurons plutôt une hausse mondiale de 2,5 °C et si nous atteignons la carboneutralité nous serons à 2 °C. Nous avons réussi à mettre en place des mesures et des objectifs qui nous permettent de faire des progrès. NDLR un réchauffement mondial de 4 °C se traduirait par un réchauffement de 8 à 10 °C aux latitudes où se trouve le Québec.

Les COP sont très grosses, certes, mais elles existeraient quand même s'il n’y avait pas les chercheurs et les environnementalistes qui y participaient. Leur participation a pour but de rappeler à l’ordre les décideurs. Sinon, il n’y aurait que les acteurs de l’industrie pétrolière qui y participeraient. Si les COP n’existaient pas, où en serait-on ? Et où sera-t-on dans 10, 15, 30 ans?

Q. – Diriez-vous que, l’an dernier à Dubaï, la COP 28 a été un succès? R– L’an dernier, on s’attendait à un naufrage de la COP, parce que plusieurs y voyaient un conflit d’intérêts entre la présidence émiratie et les objectifs que se sont fixés les pays. Stopper l’utilisation des combustibles fossiles, qui sont responsables des changements climatiques, doit être une priorité. Contre toute attente, il y a eu une grosse surprise le premier jour. L'annonce d’une somme de 700 M$ US destinée au fonds sur les pertes et préjudices. NDLR: Ce fonds a pour but de compenser les pays en développement pour les répercussions des changements climatiques qu’ils ont subies et qu’ils subiront.

Cette annonce a envoyé un message fort. On reconnaît que les pays développés doivent contribuer à ce fonds. Ce montant est une goutte d’eau dans l’océan des besoins sur le terrain, mais c’est un premier pas. On a aussi assisté à une première. L’inscription dans la déclaration finale que nous avons l’obligation de nous éloigner des combustibles fossiles. Cependant, on n'a pas dit quand ni comment on s’y prendrait. Autre élément important, il y a eu un bilan qui a été fait. Où en sommes-nous par rapport aux objectifs que nous nous sommes fixés? Cette opération est importante, car comme le stipule l’accord de Paris, les pays doivent mettre sur la table de nouveaux objectifs plus ambitieux l’an prochain au Brésil, lors de la COP 30.

Q– Sera-t-il encore question du fonds portant sur les pertes et préjudices cette année ? R– Oui, il y a trois grands enjeux cette année à propos de ce fonds. Il faudra d’abord clarifier la gouvernance du fonds. C'est-à-dire, travailler sur la manière dont les sommes seront allouées et qui devra contribuer à ce fonds. Il y aura aussi des négociations pour déterminer qui aura accès à cet argent et avec quelle rapidité.

Ensuite, plusieurs pays développés considèrent que les plus grands émetteurs, comme la Chine, l’Inde et les pétromonarchies du golfe, doivent aussi contribuer à ce fonds. Évidemment, ces pays subiront des pressions en ce sens durant la COP de cette année.

Autre sujet de négociation important, déterminer comment aller chercher du financement en provenance du secteur privé, comme l’aviation et le transport maritime. Ces deux secteurs d’activités sont responsables d'importantes émissions de gaz à effet de serre.

Dans les négociations de la COP 15 sur la biodiversité, qui a eu lieu à Montréal en 2022, on s’est entendu sur le fait qu’il fallait diminuer les subventions octroyées annuellement par les gouvernements aux entreprises dont les activités ont un effet négatif sur la biodiversité. Cette diminution a été fixée à 500 G$ US annuellement. Cette somme doit servir à financer les différents fonds destinés à soutenir les pays en développement afin qu'ils puissent mieux protéger leur biodiversité.

Une telle solution a été évaluée par les négociateurs de la COP 28 sur le climat l’an dernier. Cette notion n’a été qu'effleurée dans la déclaration finale. Il y est bien écrit qu’il faut mettre fin aux subventions inefficaces, affirmation à laquelle le Canada a donné son aval, malheureusement on ne donne aucune définition de ce qui est inefficace. Il n’y a donc pas assez de volonté politique pour aller de l’avant avec cette avenue. Selon le Fonds monétaire mondial, l’industrie des énergies fossiles a reçu 7000 G$ mondialement en subventions gouvernementales en 2023.

Q– Cette année encore, la COP a lieu dans une pétronation. Peut-on espérer que la lancée de l’an dernier va se poursuivre? R– L’année dernière, nous avons créé la présidence en troïka, c’est-à-dire à trois. Il a été décidé qu’à l’avenir, la présidence d’une COP travaillera de concert avec celle de l’année précédente et aussi avec celle de l’année suivante. On veut ainsi assurer une continuité dans les négociations et éviter qu’une présidence les ralentisse ou les fasse dérailler.

Plusieurs observateurs notent que la présidence azerbaïdjanaise est faible, mais puisque les deux autres auront aussi un rôle de leadership à jouer, on devrait être en mesure d’arriver au Brésil l’an prochain avec un niveau d’ambition qui nous permettra de respecter les objectifs de l'accord de Paris.

Q– Vous dîtes que la COP 29 est la COP du financement. À part le fonds pour les pertes et préjudices, y a-t-il d’autres fonds à négocier? R– En 2009, les pays développés avaient promis une enveloppe de 100 G$ US annuellement, d’ici 2020, pour appuyer les pays en développement dans leurs luttes contre les changements climatiques. En 2015, on a revu à la hausse cette somme, mais cette fois-ci pour l’horizon 2025. Malheureusement, on sait déjà qu’on ne pourra pas respecter cet engagement. Les négociateurs devront se poser la question : jusqu’à quel niveau ce fonds monétaire devra être rehaussé, sachant que les besoins sur le terrain se compteront en trillions de dollars d’ici 2030?

Il faudrait multiplier par 10 les sommes allouées à ce fonds, ce qui semble inatteignable. À moins que l’on trouve un mécanisme pour forcer les grands émetteurs et le secteur privé à faire leur part. Il va falloir aussi déterminer la taille de la facture qui leur sera imposée. Sans compter qu’il faut également s’entendre sur l’échelle de temps. Est-ce que tout ceci doit être mis en place d’ici 10 ans, 20 ans ou même plus?