Ce phénomène méconnu a des impacts majeurs sur les changements climatiques
Différents phénomènes physiques ont une influence sur les changements climatiques. Parmi eux, les boucles de rétroaction figurent parmi ceux qui retiennent de plus en plus l'attention. S'ils sont déjà présents dans les écosystèmes, ces cycles ont toutefois le pouvoir d'amplifier de manière considérable les effets des changements climatiques.
En collaboration avec Kevin Cloutier, météorologue
Une boucle de rétroaction peut être positive (augmenter les effets d'un phénomène) ou négative (amenuiser le déséquilibre).
Le climat est régi par plusieurs boucles de rétroaction, développées sur des milliards d'années. La Terre se régule donc seule en temps normal, mais l'activité humaine post-industrielle crée un déséquilibre dans ces fragiles cycles.
Le cercle vicieux du pergélisol
Un bon exemple de boucle de rétroaction positive est la fonte du pergélisol.
N'importe quel sol, rocheux ou non, gelé pendant au moins deux années consécutives est considéré comme du pergélisol. Toutes les surfaces nordiques qui ne sont pas couvertes de glaciers, par exemple, en font partie. C'est souvent un sol riche en matières organiques, allant de vestiges humains aux derniers restes des mammouths (dans certaines régions nordiques seulement pour ces derniers). Lorsqu'un être vivant meurt, sa décomposition laisse échapper divers gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
Le gel met ce processus sur pause, et préserve le carbone dans le sol. Lorsque les températures augmentent, la boucle redémarre, et la décomposition recommence. En se dégelant, le pergélisol libère effectivement une quantité impressionnante de gaz à effet de serre accumulés sur des millions d'années, dont du méthane.
Ce dernier a un impact majeur sur les changements climatiques, puisqu'il est environ 80 fois plus efficace que le CO2 pour piéger la chaleur à l'intérieur de la bulle créée par l'atmosphère autour de la Terre.
En règle générale, plus la quantité de gaz dégagé est importante, et plus la chaleur sera piégée. Les températures globales auront donc tendance à augmenter, ce qui entraînera un dégel supplémentaire. Tant que la perturbation initiale ne se résorbera pas, le cycle continuera.
Difficile de savoir de manière précise quelles quantités de gaz à effet de serre seront ainsi libérées dans l'atmosphère. Il est néanmoins estimé que jusqu'à 92 billions de tonnes de CO2 pourraient être relâchées d'ici 2100 - ce qui représente environ 20 % de tous les GES émis depuis le début de la Révolution industrielle.
Cette boucle positive viendra donc amplifier les changements climatiques, déjà bien entamés. Il est estimé que le monde a connu une augmentation des températures moyennes de près de 0,07 °C par décennie depuis le début de la collecte des données climatiques, vers 1880.
Le Canada particulièrement touché
Le pergélisol couvre environ 23 300 000 km2 dans l'hémisphère Nord - soit la Chine, le Canada et les États-Unis combinés. Le sol de la majorité du Canada est d'ailleurs gelé, parfois de manière continue : c'est le cas au Nunavut et au Yukon, où le pergélisol ne dégèle jamais.
Toutefois, cette tendance se renverse, ce qui pourrait transformer l'Arctique canadien en émetteur majeur de GES - alors qu'il tenait jusqu'à récemment le rôle de puits de carbone...