La fracturation cause des tremblements de terre au Canada
La fracturation, l'extraction d'énergie géothermique et le stockage souterrain du carbone sont tous susceptibles de provoquer une activité sismique en Colombie-Britannique et en Alberta. Explications.
La fracturation, qu’est-ce que c’est?
En mars 2018, des tremblements de terre ont causé de nombreuses perturbations dans toute l'Alberta. L'électricité a été coupée dans certaines parties de Sylvan Lake et des maisons de Red Deer ont tremblé lorsque des secousses ont parcouru le sol. C'est un phénomène bien connu dans certaines parties de l'Ouest canadien. Le régulateur de l'énergie de l'Alberta a confirmé plus tard que l'activité sismique était causée par la fracturation hydraulique à proximité.
La fracturation (communément connue sous le mot anglais fracking) est un procédé d'extraction du pétrole et du gaz naturel qui peut provoquer une activité sismique. Des chercheurs de l'Université de Waterloo ont cartographié les zones les plus susceptibles de subir des tremblements de terre dus à la fracturation.
« Nous essayons de mieux comprendre et donc de mieux prévoir le phénomène de la sismicité induite pendant les processus d'ingénierie souterraine », a déclaré Maurice Dusseault, professeur de géologie de l'ingénierie à l'Université de Waterloo, dans un communiqué de presse.
Carte montrant les séismes reliés à la fracturation. Les tremblements de terre majeurs sont marqués de points rouges et blancs. (Scientific Reports, 2022, 12:11551)
Les recherches ont permis de mieux comprendre le risque que font courir à la région les pratiques d'extraction de l'industrie pétrolière, ainsi que certaines méthodes plus récentes de réinjection de carbone dans le sol. La zone analysée dans leur étude, une section de 130 000 km2 de l'ouest de l'Alberta et du nord-est de la Colombie-Britannique, abrite certaines des plus grandes réserves de pétrole et de gaz naturel du monde. C'est là que la plupart des activités de fracturation canadiennes ont lieu.
L’Ouest canadien plus à risque
Les régions de l'Ouest canadien ont connu certains des tremblements de terre les plus intenses provoqués par la fracturation qui ont été signalés dans le monde. Récemment, un séisme de magnitude 4,2 a frappé près de Fort St. John, en Colombie-Britannique. Le 30 novembre 2018, des dizaines de personnes ont signalé de légères secousses. Sur la base du changement rapide de la pression interstitielle souterraine, l'étude a conclu que la fracturation a déclenché ce séisme à Fort St. John.
Les chercheurs ont révélé que cette région continuera à faire face au risque de tremblements de terre causés par la fracturation dans les années à venir. « La sismicité induite par l'injection dans cette région a augmenté depuis 2010, ainsi que le taux de sismicité », a déclaré Ali Yaghoubi, auteur principal de l'étude et candidat au doctorat à l'Université de Waterloo, à The Weather Network.
La fracturation consiste à injecter un mélange sous pression d'eau, de sable et de produits chimiques bien en dessous de la surface de la Terre pour briser la formation rocheuse. Le sable aide les fractures de la roche à rester ouvertes, ce qui permet au gaz naturel de s'échapper et de remonter par un tuyau jusqu'à la surface où il peut être utilisé comme source d'énergie.
La fracturation, un procédé énergivore
La fracturation est liée à l'activité sismique, car l'injection de fluide en profondeur dans le sol peut déstabiliser les fractures de la croûte terrestre et affecter d'autres aspects de la formation rocheuse, tels que la pression interstitielle et les zones de contraintes accumulées. Au bout du compte, la contrainte peut devenir trop élevée et obliger les plaques tectoniques à glisser rapidement l'une sur l'autre. Des vagues d'énergie se propagent alors dans la croûte terrestre, provoquant un tremblement de terre et des secousses qui peuvent être ressenties à la surface.
Outre les problèmes de sismicité, les processus de fracturation consomment beaucoup d'énergie et, dans certains cas, ont contaminé les eaux souterraines avec des toxines dangereuses et des produits chimiques cancérigènes. De nombreux règlements de plusieurs millions de dollars ont été versés aux États-Unis à la suite d'activités de fracturation ayant entraîné la contamination de propriétés privées et des maladies chez leurs occupants.
Les écologistes affirment que le forage de gaz naturel, source de méthane et de dioxyde de carbone, n'est pas une option viable comme future ressource énergétique dans un monde qui se réchauffe. Cependant, certaines stratégies durables impliquent également l'injection de fluides sous terre, ce qui pourrait avoir un impact sur la stabilité de la croûte terrestre, à savoir l'extraction d'énergie géothermique et le stockage souterrain du carbone.
Des régions moins touchées
« Tout projet d'injection comme la géothermie et la séquestration du carbone relève du même processus. Lorsque vous injectez un fluide, vous modifiez la contrainte et la pression interstitielle. Donc, s'il y a une faille dans cette région, elle pourrait être réactivée », a déclaré M. Yaghoubi.
La ville de Grande Prairie, en Alberta, abrite le projet géothermique n°1 de l'Alberta, qui produit 10 mégawatts d'énergie par an tout en compensant plus de 97 000 tonnes de dioxyde de carbone. L'étude a révélé que même si plus de 700 opérations de fracturation hydraulique à plusieurs étapes ont eu lieu dans la région, cette ville se trouve dans une zone qui est «–beaucoup moins susceptible–» de connaître des niveaux importants de sismicité induite.
M. Yaghoubi explique que l'analyse de l'équipe de recherche a confirmé que les stations sismiques n'ont pas détecté d'activité sismique due au forage de Grande Prairie, ce qui renforce la fiabilité de l'utilisation des formations rocheuses de cette région pour l'extraction d'énergie géothermique.
Les chercheurs concluent que la carte et les résultats de l'étude peuvent être utilisés pour planifier de futurs projets d'extraction d'énergie souterraine et d'évacuation des eaux usées, ce qui est une connaissance essentielle alors que les initiatives durables cherchent à développer la séquestration du carbone et l'énergie géothermique au Canada.
Adapté d'un article d'Isabella O'Malley, journaliste climat à TWN.
Image bannière: une installation de fracturation aux États-Unis (Joey Ingelhart/ iStock /Getty Images Plus)