Ces îles québécoises qui pourraient disparaître

Alex Verville et Josyane CloutierPrésentateur/Créateur de contenu et Rédactrice

Les cours d’eau du Québec sont peuplés par de nombreuses îles, dont les écosystèmes sont aussi riches que leur histoire. Les prochaines décennies risquent cependant d’être critiques pour plusieurs d’entre elles : les changements climatiques et l’activité anthropique menacent leur intégrité. Dans certains cas, une disparition n’est pas à écarter.


Cas 1 : Îles-de-la-Madeleine

Le cas des Îles-de-la-Madeleine est bien documenté. L’érosion de ses berges est comme une épée de Damoclès qui plane sur l’archipel. Composées essentiellement de sédiments fins, tels que l’argile et le gypse, les îles perdent du territoire chaque année sous l’influence des intempéries. Les forts vents et les courants marins qui balaient la région y jouent un rôle majeur. De plus, les tempêtes tropicales qui atteignent régulièrement les îles pendant la saison des ouragans tendent à gagner en force, accélérant la tendance. La présence moins affirmée de glaces près des berges est aussi à considérer puisque ces dernières protègent les côtes, d’une certaine façon, et ralentissent l’érosion. Avec le réchauffement planétaire, elles diminuent (à la fois en termes de quantité et de période).

Cas 2 : îles du lac Saint-Pierre

Plus d'une centaine d'îles de grandeur variée composent l’archipel du lac Saint-Pierre, non loin de Sorel-Tracy. Une biodiversité exceptionnelle y trouve refuge. Le secteur est l’hôte d’une des plus grandes héronnières au monde, et est le lieu de résidence de 79 espèces de poissons et de près de 200 espèces d’oiseaux. Marais, baies, chenaux, milieux humides : ses écosystèmes riches sont reconnus et protégés par l’UNESCO depuis 2000 en tant que réserve de la biosphère du lac Saint-Pierre.

Les menaces qui guettent l’archipel sont davantage associées aux activités humaines qu'aux changements climatiques. Le transport naval, en croissance dans ce secteur, est un enjeu névralgique pour la conservation de cet écosystème unique. La construction de nouvelles installations portuaires à Contrecœur, à quelques kilomètres, entraînera vraisemblablement une hausse du trafic maritime qui pourrait mettre à mal les îles, déjà fragiles. La circulation de bateaux de plaisance, conduits par des particuliers, est également à prendre en compte. De plus, les activités agricoles intensives entraînent une dévégétalisation des berges. Celle-ci perturbe le bon fonctionnement de l’écosystème, tout comme l'utilisation massive de fertilisants et de pesticides.

Le transport de sédiments et de dépôts d’un bout à l’autre des îles à certaines périodes critiques, comme au printemps, joue aussi un rôle dans cette tendance. Si ce phénomène est naturellement présent, il s’accélère sous l’influence des activités humaines.

Des recherches, chapeautées essentiellement par des équipes de l’Université du Québec à Trois-Rivières, entendent d’ailleurs renverser la vapeur. Plusieurs travaux de restauration des habitats sont en cours. Parmi les solutions proposées, on peut notamment citer la plantation de lin et d’asclépiade près des berges et une meilleure régulation du trafic maritime.

Cas 3 : îles de Boucherville

Les îles de Boucherville possèdent une histoire particulière. Un lourd passé agricole caractérise les îles, comme c’est le cas pour plusieurs secteurs de la vallée du Saint-Laurent. « [...] la végétation actuelle du parc national des îles-de-Boucherville est le résultat de plus de trois siècles d’exploitation agricole, suivi de l’abandon récent de cette activité sur plus de la moitié de son territoire. » (Laliberté, Cogliastro et Bouchard, 2006)

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Aujourd’hui parc national géré par la SÉPAQ, l’archipel fait face à de nombreux facteurs qui pourraient accélérer sa dégradation. L’augmentation du trafic maritime en est un bon exemple, et la pression grandissante du milieu urbain montréalais à proximité n’est pas à négliger non plus.

Cependant, la tendance est moins claire pour cet archipel, si on le compare avec les deux autres mentionnés un peu plus haut. Si leur disparition reste possible à long terme, il faudrait que leur situation connaisse un decrescendo intense et extrêmement rapide – alors que les données suggèrent actuellement une certaine stabilité.

Malgré tout, la montée du niveau de la mer demeure une inquiétude liée aux changements climatiques. Si une telle situation venait à se produire, le Québec ne serait pas épargné – et les îles de Boucherville non plus. Elles pourraient se retrouver en mauvaise posture, notamment en raison de leur basse altitude. Des simulations peuvent d’ailleurs être observées sur cette carte, mise au point par l’organisme américain Climate Central.

La prolifération d’espèces envahissantes est aussi un facteur majeur dans la dégradation des écosystèmes, et ce, un peu partout au Québec. Si les îles citées ci-haut sont concernées, elles ne sont pas les seules à devoir composer avec de telles problématiques.

Sources : Morin et Côté, 2003 | De la Chenelière, Brodeur et Mingelbier, 2014


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