Les trois qualités requises pour s'adapter à un climat extrême
Deep Climate est une expédition qui vise à mieux comprendre comment un groupe d'êtres humains s'adapte à de nouveaux climats extrêmes. Déjà après un volet de l'aventure en Guyane française, le chef d'expédition Christian Clot a des leçons d'adaptation à partager.
En 2021, alors que nous apprenions plus comment vivre en confinement, vous avez peut-être vu passer une nouvelle insolite sur 15 personnes qui ont passé 40 jours sous terre dans une caverne.
C’était le projet Deep Time, mené par le Human Adaptation Institute. Leur objectif était de vivre dans un environnement fermé, sans indications temporelles, et de voir comment les gens s’adaptent et s’organisent dans des conditions de vie radicalement différentes de leur quotidien.
Les explorateurs-chercheurs repartent maintenant pour une nouvelle expérience, le projet Deep Climate. Les 20 « climatonautes », 10 hommes et 10 femmes provenant de divers milieux, seront plongés dans des climats extrêmes afin de tester leurs capacités à s’adapter lors de trois expéditions en Guyane française (climat chaud et humide), en Laponie (climat polaire) et en Arabie saoudite (climat chaud et sec).
MétéoMédia s’est entretenu avec Christian Clot, président du Human Adaptation Institute et chef de l’expédition, pour en savoir plus.
On va pouvoir observer, pendant les 40 jours qu’ils vont passer dans chaque milieu, l’évolution de leurs capacités mentales, leur physiologie. Non seulement pour comprendre l’impact du climat, mais aussi pour comprendre comment on s’adapte et on trouve des solutions lorsque confrontés avec quelque chose de complètement différent.
Nous avons attrapé M. Clot à son retour de Guyane française. Lors de cette première aventure ensemble, les climatonautes ont cheminé à pied, en escalade et en radeau tout en effectuant toute une batterie d’expériences scientifiques afin de mieux comprendre comment les individus et les groupes s’adaptent. Il faisait chaud et le taux d’humidité était à 100 %.
Christian Clot, chef de l'expédition Deep Climate, dans la forêt équatoriale de la Guyane française. (Source : Lucas Santucci/Human Adaptation Institute)
« On est un peu tout le temps mouillé. C'est assez rigolo d'ailleurs, parce que les premiers jours, quand on marche, on fait tout pour se protéger de l'eau. On fait attention de ne pas mettre le pied dans l'eau, on s’abrite sous un arbre… Puis très vite, on réalise que ça ne sert à rien, que de toute façon, l'air est mouillé. Donc, petit à petit, on vient à se dire “C’est pas grave. Je suis mouillé, c'est un détail.” C'est un schéma mental, il faut l'accepter et ce n'est pas facile. »
Accepter, c’est la première étape de l’adaptation. Selon les expériences de M. Clot sur le terrain, l’adaptation est dictée par les capacités mentales plutôt que les aptitudes physiques. Avant de pouvoir s’adapter, on doit d’abord comprendre et accepter le changement qui se présente. Le plus vite on accepte d’être mouillé, le plus vite on peut passer à autre chose. Selon M. Clot, c’est vrai à la fois pour une expédition en terrain difficile et dans le contexte plus large des changements climatiques.
« On a négocié avec la nature, en construisant des maisons, mettant du chauffage et de la climatisation. Finalement, on s'est créé une illusion qu'on pouvait maîtriser la nature et lui dicter notre propre manière de faire, et c'est assez vrai. Mais là, on arrive à des moments où ça ne marchera plus. On voit bien les problèmes énergétiques à travers le monde, on ne pourra pas produire encore plus d'énergie pour mettre encore plus de climatisation et encore plus de chauffage. Il va falloir qu'on accepte que nos conditions de vie soient de plus en plus paramétrées par la condition climatique extérieure. Qu’on change volontairement ou qu’on estime qu'on n’a pas besoin de changer aujourd'hui, on va devoir s'adapter à de nouvelles conditions de vie. Donc, autant le faire volontairement parce que c'est plus simple et que ça nous permet de maîtriser un peu ce qu'on fait, plutôt que d'attendre de subir complètement tout ce qui va se passer, et là ce sera très douloureux. »
La deuxième clé de l’adaptation, toujours selon M. Clot, est la coopération. « Quand on part en expédition, on retrouve le fait que sans les autres, on ne pourrait pas être là seul, en tout cas, pas longtemps. Si je comprends que j'ai besoin des autres, c'est pas une question de savoir si on s'aime ou pas, si on a les mêmes buts ou pas, si on est content d'être là ensemble. C'est que je dois être avec eux pour pouvoir fonctionner. La coopération se fait très naturellement et c'est très beau à voir. »
La coopération et l'entraide sont des mécanismes clés qui permettent au groupe de s'adapter plus rapidement aux nouvelles conditions. (Source : Lucas Santucci/Human Adaptation Institute)
Mais selon M. Clot, cette adaptation de groupe ne peut se faire sans un ingrédient final essentiel : l’émerveillement. Lors de l’expérience Deep Time, les participants ont rapporté une plus grande satisfaction avec leurs conditions de vie sous terre lorsqu’on leur a permis d’explorer la grotte. La beauté des lieux et les découvertes intéressantes venaient en quelque sorte équilibrer les facteurs moins plaisants de l’expérience. Il en fut de même dans la forêt équatoriale. L’émerveillement ne sert pas simplement de distraction lors d’une randonnée trop dure. L’impact est plus profond; il sert à motiver l’adaptation.
« La forêt est très belle. C'est ça qui est intéressant avec l'adaptation, c'est qu’on doit s'adapter à des choses difficiles souvent, mais il y a toujours des choses belles, des choses extraordinaires, des choses qui donnent envie de découvrir, de voir, de rencontrer. Il faut savoir s'occuper plus des choses belles que des difficultés, parce que du coup, c'est beaucoup plus simple de s'adapter. »
L'expédition Deep Climate en bref
La prochaine aventure des climatonautes les entraînera dans le cercle polaire, au nord de la Finlande. Quarante jours de froid glacial, nuit et jour, mais aussi des paysages incroyables et des aurores boréales. L’explorateur craint les engelures, mais l’équipe est expérimentée et tirera profit des expériences en forêt. Le dernier volet du projet les mènera dans le désert d’Arabie saoudite pour faire l’expérience de la chaleur et de l’aridité extrêmes.
À la fin des trois périples, M. Clot espère que les vastes données recueillies aideront les chercheurs à découvrir de nouvelles stratégies pour tous nous aider à nous adapter au climat du futur.