Une première en plus de 50 ans : la patinoire du Canal Rideau n'ouvrira pas
Avec les hivers qui se réchauffent et les pluies plus abondantes, la patinoire du canal Rideau est menacée un peu plus chaque année. Mais les patineurs ont des alliés chez les chercheurs de l’Université Carleton, qui étudient la glace pour mieux la protéger.
Mise à jour
La Commission de la capitale nationale vient d'annoncer que la patinoire n'ouvrira pas du tout cette année, une première dans son histoire. Dans un communiqué, les responsables de la patinoire indiquent que malgré la vague de froid, « les derniers tests réalisés sur la glace montrent que la patinoire du canal Rideau demeure non sécuritaire pour le patin. Comme il est peu probable que la poursuite des efforts produise un résultat différent, nous ne sommes pas en mesure d’ouvrir la patinoire pour la saison. »
Le canal Rideau est la plus grande patinoire sur la planète, un joyau dans la capitale nationale qui attire des centaines de milliers d’amateurs de patin chaque hiver.
Depuis plus de 50 ans, la patinoire est ouverte chaque année en janvier jusqu'au début mars, mais les températures qui augmentent réduisent un peu chaque année sa durée de vie. Au moment de notre rencontre à la fin janvier, elle n’était toujours pas ouverte pour sa 53e édition.
« Depuis quelques années, on se rend bien compte que la saison, bon an mal an, se raccourcit. Toutefois, en regardant la moyenne des cinq dernières années, on arrive encore à 47 jours de saison de patin. On a déjà ouvert fin-décembre, mi-janvier, et il y a deux ans le 28 janvier », nous explique Bruce Devine, gestionnaire principal chargé de la patinoire du canal Rideau à la Commission de la capitale nationale.
Photo prise le 17 février 2018. Chaque année, le canal Rideau se transforme en patinoire, la plus grande au monde, selon le Livre des records Guinness. (Mark Spowart/ Getty Images)
Avant de pouvoir patiner en toute sécurité, on doit attendre d’avoir au moins 30 cm de glace, ce qui se forme généralement à la suite d'une dizaine de nuits consécutives à -10 °C et de journées d’au plus -5 °C. Ces conditions ne sont plus aussi garanties que dans le passé. En plus des températures moyennes qui augmentent, les pluies plus fréquentes et abondantes en hiver pourraient aggraver la situation.
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Pour en savoir plus sur les effets des changements climatiques et les technologies qui pourraient apporter des solutions, la Commission de la capitale nationale fait équipe avec l’Université Carleton dans un partenariat de recherche de quatre ans.
Les deux premières années seront dédiées à la collecte de données pour comprendre les tendances climatiques dans la région pour améliorer la résilience de la patinoire face aux conditions changeantes.
Shawn Kenny, professeur d'ingénierie civile à l’Université Carleton, s’est entretenu avec The Weather Network au sujet du projet. Il insiste sur l’importance de partir la glace tôt dans la saison, parce qu’on a moins de contrôle sur la dégradation de la glace au printemps.
Installation des stations météorologiques sur le canal Rideau (Shawn Kenny)
« Par exemple, est-ce qu’on peut modéliser la formation de la glace pour voir comment ça correspond aux dates d’ouverture et de fermeture? On pourrait alors faire des projections selon les prévisions climatiques, alors qu’on prévoit environ un tiers de moins de jours sous -10 °C », explique-t-il.
Pendant les deux dernières années, l’équipe de recherche se penchera sur la conception et l’évaluation de canons à neige et de thermosiphons, ainsi que sur des stratégies de gestion de la neige. On teste actuellement des canons à neige qui s’apparentent à ceux utilisés sur les pistes de ski. Les flocons faits d’eau potable pourraient servir de noyaux autour desquels la glace peut se former plus tôt pendant la saison.
Un canon à neige en cours de test. (Commission de la capitale nationale)
Les thermosiphons présentent une autre solution intéressante. Un thermosiphon est un système de circulation de l’eau en boucle fermée qui est actuellement utilisé dans les régions nordiques pour préserver le pergélisol en retirant la chaleur en dessous.
Selon Kenny : « Il suffit de savoir quelles technologies fonctionnent et leurs bienfaits pour la formation de la glace et la stabilité de la surface. Par la suite, on devra se pencher sur les questions opérationnelles comme les coûts et la main-d'œuvre requise. »
La gestion de la neige est aussi un aspect important à considérer, puisque la neige nuit à la glace. Pour contrer ses effets, on pourrait la comprimer ou l’inonder pour qu’elle forme plus de glace.
Le canal Rideau est un endroit phare à Ottawa. Sa valeur historique et culturelle est incalculable, c’est pourquoi on travaille aussi fort pour préserver la saison de patin.
« C’est en plein centre-ville au cœur de la capitale du Canada, c’est un symbole majeur. Les gens locaux, ça fait partie de leur ADN d’aller patiner là. Il y a des paysages à couper le souffle quand on patine. Il y a des gens qui ont vécu des expériences personnelles formidables, des gens qui se sont demandés en mariage. Toutes sortes d’anecdotes en 53 ans! »
Image bannière : Le canal Rideau devient chaque année la plus grande patinoire au monde, avec en arrière-plan le Parlement et le Château Laurier. (Saffron Blaze/ Getty Images)
D'après un article par Isabella O'Malley, journaliste à The Weather Network.