Fonte de l’Arctique : un couteau à double tranchant
Un récent rapport a évalué les avantages et les inconvénients de la fonte de l’Arctique en lien avec le transport maritime. La conclusion : des retombées pour les communautés autochtones, mais aussi un risque environnemental accru.
Moins de glace, plus d’eau libre
Depuis déjà quelques décennies, le couvert de glace de l’Arctique est malmené par le réchauffement global. Les rapports sur son état démontrent, chaque année, que cette région du globe est aux prises avec une importante modification de son écosystème fragile et essentiel à l’équilibre climatique sur Terre. D’après le Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique (AMAP), le toit du monde se réchauffe trois fois plus vite que le reste du globe et l’étendue de la banquise a diminué de 43 % entre 1979 et 2019.
Selon un récent rapport publié dans le journal Nature Climate Change, rédigé en collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), une hausse globale de 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle ouvrirait à la navigation une grande partie de l’Arctique incluant le passage du Nord-Ouest. Cette voie serait navigable au moins une fois tous les ans, en été, et permettrait même le passage de gros navires. Les auteurs soulignent aussi que dans un tel scénario, la mer de Beaufort serait navigable entre 100 et 200 jours par année. Si nous ne réduisons pas nos émissions, on assistera à ce scénario d’ici le milieu du siècle.
Communauté à risque
L’ouverture de ce passage, autrefois restreint, bénéficiera aux communautés autochtones. Celles-ci auront un meilleur accès à des opportunités de développement, car il faudra des infrastructures adéquates pour permettre aux navires d'accoster, qu'ils soient de passage pour livrer des marchandises ou remplis de touristes. Les coûts des biens pour ces communautés pourraient diminuer, car en ce moment, tous les biens leur sont acheminés par avion ce qui est assez dispendieux. Par exemple, un litre de jus d’orange leur coûte plus de dix dollars lorsqu’il est envoyé par avion. La sécurité alimentaire serait rehaussée et l’impact sur la santé des autochtones diminué. On aurait aussi une baisse des émissions de carbone engendrées par l’aviation.
La baisse du prix des denrées et les opportunités économiques qui s’ouvrent à eux sont cependant assombries par les risques de voir maintenant des catastrophes maritimes souiller cet environnement presque vierge. L’augmentation du trafic maritime accentuera également la pollution et l’impact sur les écosystèmes arctiques. Le rapport suggère de mettre en place un plan afin d’être prêt à cette éventualité en collaboration avec le gouvernement canadien et les communautés autochtones.
Le pire scénario serait de voir une grande augmentation de l’achalandage maritime par des porte-conteneurs voulant relier l’Europe à l’Asie sans passer par le canal de Panama, car celui-ci est assez onéreux. L’Arctique verrait alors une forte augmentation de la pollution et aucun avantage pour les communautés indigènes. Le rapport insiste sur le fait que toute augmentation du trafic maritime doit se conformer au Code polaire , un code très strict pour la navigation dans cette région. Celui-ci a été mis en place pour s’assurer de la protection des écosystèmes et des populations. À titre d’exemple, il est interdit à tout navire de déverser quoi que ce soit dans l’océan comme des eaux usées, ou tout autre résidu.