Le GIEC insiste sur l’urgence d’agir pour le climat

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a révélé deux volets de son sixième rapport au cours des dernières semaines. On parle des risques pour la planète, mais surtout pour l’humanité. Il est aussi question d’adaptation, mais selon Jean-François Toussaint, co-auteur du rapport, la fenêtre pour agir n’est que de 10 ou 20 ans.


Faits saillants :

  • En 2019, nos émissions annuelles étaient 12 % plus élevées qu’en 2010 et 54 % plus élevées qu’en 1990 - 2020 est la seule année où les émissions ont baissé de 8 %

  • La population peut réduire ses émissions de 40 à 70 % d’ici 2050 en changeant nos habitudes et en préconisant des énergies propres

  • Selon les auteurs, la fenêtre pour agir n’est que de 10 ou 20 ans


De nombreuses études ont déjà répertorié la fragilité de notre biodiversité et les impacts que les changements climatiques ont sur elle. L’augmentation thermique et ses conséquences sont bien connues, mais c’est la première fois où elles sont si marquées entre le climat et la biodiversité, souligne M. Toussaint. On est toujours, pour l’instant, en train de courir derrière un climat qui évolue de plus en plus vite, qui change de plus en plus vite et dans lequel on doit pouvoir s’adapter, ajoute-t-il.

Selon la dernière partie du rapport, nos émissions doivent atteindre un sommet en 2025 pour ensuite descendre de plus de 40 % le CO2 et de 34 % le méthane d’ici 2030 si on veut respecter notre engagement à l'accord de Paris. Cependant, même en respectant cet objectif, les émissions de GES continueront à augmenter au cours des prochaines années pour dépasser le seuil fatidique de 1,5 ° C. Cependant, le GIEC soutient que l’humanité aurait une chance de repasser sous cette barre avant la fin du siècle.

M. Toussaint croit qu’il est encore possible de changer les choses en modifiant nos comportements et en mettant en place des mesures d’adaptation. Cependant, cette fenêtre est en train de se refermer et les conséquences risquent d’être assez importantes. La seule année où les émissions ont baissé de 8 %, comme le suggèrent les rapports précédents, c’était en 2020. Cette année-là, par contre, on a assisté à un recul majeur de nos objectifs de croissance en matière d’économie. Jean-François Toussaint déplore que depuis deux ans, on voit surtout augmenter les croyances populaires et beaucoup moins la confiance dans les données scientifiques.

Il y a quand même eu d'importants gains au fil des dernières années, surtout du côté des coûts liés à la transition énergétique. Le rapport souligne que les coûts liés à l’énergie solaire ont chuté de 85 %, tout comme le coût des batteries destinées aux véhicules électriques des particuliers. Le coût de production de l’énergie éolienne a, quant à lui, diminué de 55 %.

Voici en quelques paragraphes les grands enjeux soulevés par le deuxième volet du rapport, qui souligne que presque la moitié de la population mondiale est déjà très vulnérable aux changements climatiques.

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Biodiversité

Un important volet du rapport porte sur la biodiversité et les impacts qu’ont les changements climatiques sur celle-ci. Notre mode de vie est directement lié à la santé de la biodiversité. L’augmentation des températures de l’air et des océans force déjà certaines espèces à migrer si elles veulent survivre. Plantes, poissons, oiseaux, mammifères et de nombreuses autres espèces sont à risque. Pour d’autres, l’extinction semble inévitable.

Le rapport souligne que les écosystèmes de l'Arctique sont particulièrement vulnérables. Avec l’augmentation prévue des impacts des changements climatiques, tous les écosystèmes marins et terrestres seront modifiés, dans plusieurs cas de façon irréversible. Toujours selon le rapport, un réchauffement de 1,5 °C engendrerait une perte de la biodiversité de 3 à 14 %. Si la température moyenne du globe grimpe de 3 °C, c’est près de 30 % de celle-ci qui disparaîtra. Si cette hausse se chiffre à 5 °C, c’est près de 48 % de la biodiversité qui sera en grand danger.

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Santé

On observe déjà une augmentation du taux de mortalité à cause des vagues de chaleur partout sur la planète. À ce jour, 30 % de la population mondiale vit un stress thermique. Si on poursuit sur cette lancée, 75 % de l’humanité se retrouvera dans cette situation d’ici 2100. Le rapport prévoit que les risques pour la santé engendrés par les changements climatiques seront en hausse plus ou moins importante selon le scénario de réduction d’émissions que l’humanité mettra en place. Selon les auteurs du rapport, il est impératif de mettre en place des mesures d’adaptation, car la diminution de nos émissions ne sera pas suffisante si on veut garder une économie florissante.

Alimentation

La modification du climat augmentera le stress sur la production de denrées alimentaires. Plusieurs types de cultures continueront de migrer vers des latitudes plus clémentes à leur croissance. Même constat pour les nombreuses espèces qui peuplent les océans. Il faut également s’attendre à ce que des récoltes entières soient décimées à cause de la modification du climat terrestre. La déforestation au profit de la production d’huile de palme ou d’élevage ne fera qu’amplifier les impacts sur le climat mondial. Le rapport estime que d’ici 2050, de 8 à 80 millions de personnes souffriront de la faim.

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Eau potable

La forte exploitation des ressources en eau par plusieurs pays accélère le déclin des réserves au point où elles pourraient disparaître par endroits. Les vagues de chaleur causées par les changements climatiques gonflent les risques de sécheresse pour les régions déjà en danger et augmentent la rareté de la ressource là où ce n’était pas un enjeu.

Le rapport estime à un milliard le nombre de personnes menacées à moyen terme par la hausse du niveau des océans. Les dommages associés aux inondations vont doubler si la température mondiale augmente de 2 °C et quadrupler si cette hausse atteint 3 °C.

Un fait quelque peu étonnant pour ce genre de rapport scientifique : il y a une section où les auteurs énumèrent les éléments qui font frein à notre transition vers un monde sans émission. Le rapport mentionne : « Malgré les certitudes mises au grand jour par le monde scientifique, la désinformation à propos des changements climatiques et la politisation des faits scientifiques ont généré une polarisation du public au lieu de créer un effet rassembleur. »

Atteindre l’objectif de 1,5° C

Le dernier volet du rapport met en lumière les gestes nécessaires pour respecter l’accord de Paris. Même si ces solutions donnent l’impression d’être trop radicales pour l’humanité, les scientifiques pensent qu’elles sont tout à fait réalisables. Voici les grandes lignes de leurs conclusions par secteur d’activité si on veut réduire de moitié nos émissions mondiales d’ici 2030.

  • En matière d’énergie, on doit réduire les émissions de ce secteur du tiers en mettant en place des mécanismes de captage et de séquestration du CO2. Il faudra aussi faire plus de place à l'hydrogène et aux biocarburants.

  • Les particuliers doivent aussi faire leur part en utilisant plus souvent la marche et le vélo pour de courtes distances. Changer sa voiture pour une voiture électrique et réduire le nombre de voyages en avion au maximum font aussi partie des avenues possibles. Ainsi la population réduira ses émissions de 40 à 70 % d’ici 2050.

  • Le transport de marchandises est aussi une grande source d’émissions. Selon le rapport, il faut favoriser l’électrification des camions et de tout le secteur ferroviaire. Il est aussi important d’inciter l’industrie de l’aviation à utiliser plus d’hydrogène et de biocarburants.

  • Le secteur urbain doit faire une plus grande place aux arbres et aux espaces verts. La production de biens et de denrées doit se faire selon les règles du développement durable. Le tout passe par une meilleure planification urbaine car les villes représentent 65 % des émissions mondiales.

  • Pour contrer les émissions liées à l’agriculture et aux industries, le rapport rappelle l'efficacité des forêts en matière de captation et de séquestration du carbone. Il faut donc ralentir la déforestation qui sévit présentement dans plusieurs régions du monde, voire l’éliminer complètement. Le rapport souligne l’importance de la restauration des milieux naturels et l’apport non négligeable des différents écosystèmes planétaires.

Il est important de rappeler que des objectifs pour atteindre le zéro-émission ont été mis en place dans plus de 825 villes à travers le monde.

Consultez le rapport complet Climate Change 2022: Impacts, Adaptation, and Vulnerability (en version anglaise seulement) sur le site du GIEC Toutes les photos de cet article sont tirées du rapport en ligne