La fonte de l’Arctique pourrait signifier la mort d’El Niño classique
Depuis plus de vingt ans, les scientifiques s’intéressent au lien entre le réchauffement de l’Arctique et la modification de la circulation principale aux tropiques. Une étude de l’université de San Diego vient de conclure que la disparition de la glace au pôle Nord influence les cycles du phénomène El Niño. Au Québec, lors du dernier fort épisode El Niño en 2015-2016, nous avions eu droit à un hiver particulièrement doux.
Rapport du GIEC : l’Arctique se réchauffe plus qu’ailleurs
Chaque année, les mesures de l’étendue de glace en fin de saison estivale aux pôles montrent que le couvert de glace diminue rapidement. L’eau libre de glace va regeler lors de la saison froide, mais son épaisseur sera beaucoup plus mince que la vieille glace qui s’est épaissie au fil des années. Avec le retour de la chaleur estivale, la nouvelle glace va disparaître plus rapidement au début de la saison. Ceci permet au soleil de s’attaquer maintenant à la vieille glace, la faisant fondre à son tour. On est dans un cercle vicieux. Il existe un mécanisme naturel qui fait que les régions glacées vont se réchauffer plus rapidement que les autres, comme le souligne le GIEC dans plusieurs de ses rapports. La disparition de la glace de mer expose l’eau à la lumière du soleil. Normalement, 50 à 80 % de l’énergie de notre astre est réfléchie par la neige et la glace. Sans glace, l’eau étant foncée, elle absorbe 93 % de celle-ci. C’est ce qu’on appelle l’effet d’Albédo. D’ailleurs, les scientifiques ont réussi à établir qu’avant 2004, c’étaient les secteurs terrestres qui se réchauffaient le plus vite dans les régions polaires. Depuis, ce sont les océans qui ont pris la tête du réchauffement.
Les vents dominants s’accélèrent
Puisque le soleil réchauffe maintenant l’eau libre de glace, il va se former un courant ascendant au-dessus du pôle. En effet, l’eau devenue chaude va transférer cette chaleur à l’air situé juste au-dessus. Celui-ci, maintenant réchauffé, va s’élever (phénomène de convection) jusqu’à rejoindre les limites de l’atmosphère. N’ayant plus la possibilité de monter davantage, l’air va se diriger vers le sud dans la partie supérieure de la troposphère.
Selon les chercheurs, c’est ce mécanisme qui aura pour conséquence d’intensifier les vents dominants situés au niveau de l’équateur. Ces vents portent le nom d’Alizés et soufflent toujours de l’est vers l’ouest.
Soufflant maintenant plus fort, les Alizés vont pousser l’eau de surface de l’océan Pacifique vers l’ouest, ce qui favorisera une accumulation d’eau de surface chaude dans les régions centrales et occidentales de cet océan.
Le très célèbre phénomène El Niño se produit quand les eaux de surface plus chaudes s’empilent vers l’est sur les côtes de l’Amérique du Sud. Avec des Alizés devenus plus forts, il sera plus difficile de voir un El Niño classique se développer.
En revanche, La Niña, qui est le résultat de l’accumulation d’eau de surface chaude près de l’Indonésie, pourrait plus souvent se manifester.
Rappelons que la dernière fois qu’on a connu un fort épisode La Niño, l’hiver 2007-2008 a vu des accumulations de neige record sur certains secteurs du Québec. Surtout que cette intensification des Alizés se produit en hiver pour l’hémisphère Nord. Il est directement lié à l’importance de la fonte de l’Arctique lors de l’été précédent.
Bonne nouvelle pour l’Australie
Lors d’un phénomène La Niña, l’eau de surface chaude se retrouve sur la partie occidentale du Pacifique favorisant la formation de précipitations sur l’Australie. Ce qui, en soi, est une bonne nouvelle pour ce pays qui est aux prises avec une sécheresse prolongée qui a favorisé des feux de broussaille sans précédent cette année. Mais il faudra également surveiller le dipôle de l’océan Indien, connu comme l’El Niño de l’océan Indien, car si l’eau chaude de surface de cet océan s’empile sur les côtes de l’Afrique, on aura un dipôle de l’océan Indien positif. Ce phénomène aura pour effet de favoriser à nouveau la sécheresse en Australie.