Combien de temps le prix de l'essence restera-t-il élevé ?
Depuis des semaines, le prix de l’essence atteint des sommets inégalés - et frappe les portefeuilles des ménages québécois de plein fouet. Cette augmentation a des impacts considérables, qui mettent en lumière l'urgence de la transition énergétique.
Faits saillants :
La guerre en Ukraine, moteur de la hausse des prix ;
La pandémie de COVID-19 a mis la table à cette augmentation ;
Les prix ont récemment atteint un plateau, mais pourraient grimper à nouveau pendant l’été ;
Quelques solutions sont possibles.
Ces hausses pharaoniques sont le symptôme d’une baisse. Le coût du baril de pétrole a effectivement chuté sur les marchés internationaux cette semaine. Plus tôt ce mois-ci, le prix du baril a atteint les 130,50 $, la somme la plus élevée depuis la crise économique de 2008. Il est depuis de nouveau descendu autour des 100 $ par baril, ce qui laisse entrevoir une certaine baisse des prix à la pompe - et un répit pour les automobilistes.
Cependant, cela risque de ne pas durer.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
La guerre en Ukraine - et l’interdiction du pétrole russe en sol américain ordonnée par le gouvernement des États-Unis qui a suivie - est un facteur majeur dans cette tendance. En effet, la Russie est le troisième exportateur mondial de pétrole, et le bannissement du pétrole russe par la Maison-Blanche crée une rareté de la ressource qui affecte les prix.
Cependant, ce n’est pas le seul élément à prendre en considération, puisqu’une certaine pression était déjà mise sur l’approvisionnement en pétrole avant la guerre.
« Avant même le début de la guerre en Ukraine, nous voyions des prix élevés à la pompe », mentionne le porte-parole de l’Association canadienne des automobilistes (ou Canadian Automotive Association (CAA)), Ian Jack, dans une entrevue accordée à The Weather Network. « Aussitôt que des événements mondiaux majeurs créent de l’instabilité, c’est le résultat. Tous les problèmes de chaînes d’approvisionnement liés à la COVID-19 ont donné un élan majeur à cette montée. »
Le vice-président pour la section Est du Canada de l’Association canadienne des carburants, Carol Montreuil, estime la même chose. « Le pétrole brut et le gaz sont des marchandises commercialisées à l’échelle mondiale, les marchés globaux de l’énergie sont intimement interconnectés et la Russie est un joueur majeur dans la production de pétrole et de gaz naturel. »
« Les pays bannissant les importations russes ont maintenant des ressources limitées et des prix à la hausse, à un moment où la demande globale peine à se remettre des effets de la pandémie », ajoute-t-il dans une entrevue accordée à The Weather Network.
Après la première année de la pandémie, où le prix du pétrole a atteint le fond du baril, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEC), notamment composée de plusieurs pays du Moyen-Orient et de la Russie, a coupé la production afin de stabiliser les prix.
Depuis ce moment, la production n’a pu subvenir à la demande. La situation s’est envenimée au cours des derniers mois, alors que les nombreuses restrictions liées à la pandémie ont été assouplies et que les activités économiques en ont été dynamisées… en même temps que la demande en énergie.
Selon l’analyste Neven Valev, qui alimente le site GlobalPetrolPrices.com, dans une entrevue accordée à The Weather Network : « La guerre a renforcé cette tendance. »
Et comme le marché du pétrole est mondialement interconnecté, aucun pays n’est à l’abri de ces variations.
Les effets au Canada
Le Canada est le sixième plus grand exportateur de pétrole du monde, et en produit suffisamment pour subvenir à ses besoins. Cependant, en raison de l’accessibilité difficile de certaines régions (et pour d’autres raisons économiques), le pays importe une partie de son pétrole de différents partenaires. Parmi ceux-ci, on peut notamment penser aux États-Unis, à la Norvège, à l’Arabie Saoudite et au Nigeria.
Le Canada a lui aussi banni les produits pétroliers russes de son territoire, mais il s’agit davantage d’un geste symbolique. Aucune importation du genre n’est entrée sur le territoire depuis 2019.
La bonne nouvelle, c’est que les prix à la pompe ont atteint un plateau. Cependant, plusieurs analystes s'entendent pour dire que les prix relativement élevés sont là pour rester - et pourraient à nouveau connaître une hausse marquée cet été, juste à temps pour la période des vacances.
Si d’autres pays se rangent du côté des États-Unis et bannissent eux aussi les produits pétroliers russes, les prix pourraient radicalement augmenter, voire flirter avec les 200 $ par baril. L’Agence internationale de l’énergie a récemment estimé dans sa prévision mensuelle que les marchés mondiaux pourraient devoir composer avec une perte quotidienne de près de trois millions de barils - un coup monumental dans le visage de l’offre.
« Malheureusement, comme on peut le voir dans l’actualité, la situation outre-mer risque de ne pas s’améliorer à court terme, estime Ian Jack. Ce genre de prix, voire encore plus élevés, pourraient rester encore un bout de temps jusqu’à ce que les hostilités se calment. »
Le hic, c’est que le prix du pétrole est intimement lié à l'inflation que connaît actuellement l’économie. Le coût de l’énergie a une influence directe sur diverses marchandises, comme les denrées alimentaires.
Selon l’Agence internationale de l’énergie : « La montée des prix du pétrole et des marchandises, si elle se poursuit, aura des conséquences marquées sur l’inflation et sur la croissance économique. »
Quelles sont les solutions possibles ?
Malgré tout, les gouvernements sont pieds et poings liés et les actions qu’ils peuvent entreprendre sont limitées. Certaines régions, comme l’Alberta, ont décidé de réduire les taxes sur l’essence, et une baisse d’environ 0,13 $ le litre est attendue dès le 1er avril.
« Les pays qui optent pour une baisse des taxes doivent s’attendre à une pression supplémentaire sur les budgets gouvernementaux, explique Neven Valev. Les gens s’en sortent donc en réduisant leur conduite et leurs dépenses discrétionnaires, comme les sorties et les voyages. » L’analyste est cependant confiant de voir une diminution des prix plus tôt que prévu, et que des indices pointent vers un répit plus que bienvenu pour les consommateurs. L’Agence d’information sur l’énergie des États-Unis a effectivement rapporté une augmentation dans les inventaires de près de 4,3 millions de barils de pétrole brut, ce qui risque de réduire la pression sur l’offre. Les consommateurs canadiens pourraient également en profiter, puisque les États-Unis représentent près de 70 % des importations de pétrole du pays.
Un autre élément important à considérer : les augmentations massives des restrictions sanitaires liées à une recrudescence des cas de COVID-19 dans la région de Shenzhen, en Chine, pourraient réduire la demande de manière significative.
« Je doute que les prix vont continuer à augmenter. Les incitatifs pour produire davantage de pétrole chez les pays producteurs sont forts lorsque les prix sont si élevés. Par conséquent, ils augmentent l'offre et les prix baissent, commente Neven Valev. Cela va passer. »
Adapté d'un reportage de TWN par M.A. Jacquemain