Les avions feront bientôt le plein… de moutarde
L’industrie de l’aviation est pointée du doigt comme un important émetteur de CO2. Un nouveau carburant à base de graines de moutarde pourrait permettre à l'industrie de respecter ses objectifs de réduction d’émissions de 50 % d’ici 2050.
Pas juste bon dans les hot-dogs
Selon une récente étude, il serait viable d’utiliser des graines de moutarde dans la fabrication d’un carburant pour les avions. L’étude s’est penchée sur l’efficacité et les coûts pour l’industrie d’un carburant issu de la biomasse. En moyenne, le carburant conventionnel coûte 0,50 $/l. Celui à base de moutarde coûterait entre 0,85 $/l et 1,28 $/l. Il faut cependant tenir compte de plusieurs autres facteurs comme les sous-produits issus de la fabrication de carburant à base de moutarde. Ceux-ci peuvent être revendus, ce qui abaisse le coût de fabrication du carburant. En tenant compte de cette rentrée d’argent et des crédits octroyés aux producteurs d’énergies renouvelables, le coût pour l’industrie de l’aviation se situerait entre 0,12 $/l et 0,66 $/l.
L’utilisation de la biomasse dans la fabrication de carburant n’est pas toujours acceptée socialement. Il y a quelques années, il y avait un grand engouement pour le carburant à base de maïs. Les producteurs étaient dénoncés, car de grandes quantités de maïs étaient réservées à la fabrication du carburant, diminuant du même coup l’accès à une nourriture vitale et de base pour certains. Puisque le maïs destiné à devenir du carburant se vendait plus cher que s’il était vendu en tant que nourriture, plusieurs lignes d'approvisionnement, pour les populations dans le besoin, ont été redirigées vers la production de carburant.
Heureusement, le plan de moutarde utilisé dans la fabrication de carburant est non comestible. Il n'y a donc pas de dilemme moral à utiliser cette plante. Selon l’étude, ce carburant pourrait réduire de 61 % à 68 % les émissions de CO2 de l’industrie de l’aviation, qui est responsable de 2,5 % des émissions mondiales. Il est temps de trouver rapidement une solution aux émissions de cette industrie, d’autant plus qu’on évalue que le transport aérien connaîtra une hausse de l’achalandage de 20 % d’ici 2050.
L’expérience sur laquelle l’étude s’est basée a été réalisée dans le sud-est des États-Unis. En 2010, près d’un million et demi d’hectares de graines de Brassica carinata, aussi appelé moutarde d’Abyssinie ou chou éthiopien, ont été semées en Floride sous la supervision de l’Institut des sciences de l’alimentation et de l’agriculture de l’université de Floride. Ce type de culture pousse très bien pendant les mois d’hiver, où normalement l’agriculture est en pause. De plus, le fait d’utiliser ces terres pour des cultures au lieu de laisser les champs en jachère prévient l’érosion des sols pendant les mois d’hiver.
La fabrication de ce carburant est semblable à celle de l’essence. L’huile recueillie des graines de moutarde doit être envoyée à une raffinerie pour compléter le processus. Ces raffineries existent déjà, donc pas besoin de nouvelles infrastructures. De plus, ce type de plante résiste bien au gel et produit 40 % plus d’huile que les autres plantes utilisées comme biomasse. Le procédé de transformation des graines de moutarde en carburant donne également deux sous-produits : le propane et le naphta, qui peuvent être vendus et contribuer à faire baisser les coûts de production d’un tel carburant. Soyez rassuré, l’huile produite avec les graines de moutarde est incolore. Vous ne verrez donc pas de traînée jaunâtre derrière les avions en vol.