La densification urbaine : se regrouper pour mieux lutter
Depuis déjà quelque temps, on cite la densification des villes comme une philosophie d’urbanisme efficace pour lutter contre les changements climatiques et favoriser le développement durable. On démystifie le sujet en compagnie de Catherine Boisclair, urbaniste pour l’organisme Vivre en Ville.
La densification des villes a fait l'objet de discussions aux assises de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), qui avaient lieu à Québec en mai dernier. Le ministre Bonnardel avait alors été critiqué pour avoir qualifié l'idée de « mode passagère », mais la conversation, elle, est loin de l’être – le sujet a fait l’objet de plusieurs éditoriaux et débats depuis, surtout en cette période électorale. En juin 2022, le gouvernement du Québec a reconnu dans sa nouvelle Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire l’importance de « concevoir des milieux de vie complets à échelle humaine qui répondent aux besoins des communautés et de prioriser la consolidation des secteurs bénéficiant déjà de réseaux d’infrastructure et d’un patrimoine bâti. »
Le mot densification évoque des milieux de vie entassés, des grandes tours à minuscules appartements dans des villes sales et grises. Mais selon Catherine Boisclair de Vivre en Ville, il n’en est rien : « La densification, c’est l’opposé de l’étalement urbain. C’est simplement d’augmenter le nombre de logements dans des quartiers existants. » Une philosophie de base qui peut s’appliquer à tous les milieux, des villes aux villages et même à la vie rurale.
Mais attention! Comme le note l’experte : « on ne va pas densifier n’importe où. On ne va pas ajouter des logements dans les quartiers où il n’y a pas de commerces, pas d’écoles, pas de transports en commun efficaces. Parce que là, on ne fait qu’accentuer le problème des changements climatiques où les gens dépendent de l’automobile. »
Le rêve américain d’une petite vie rangée en banlieue avec sa famille a favorisé l'étalement urbain. Ce mode de vie est une des causes de l’augmentation de nos émissions dans la région de Montréal depuis plus de 50 ans. Au cours des prochaines décennies, la population ne fera qu’augmenter : selon l’institut de la statistique du Québec, nous serons 10 millions au Québec à compter de 2066, une augmentation de plus de 15 % par rapport à aujourd’hui. On estime aussi que d’ici 2050, 75 % de la population mondiale vivra dans des villes. Mais plusieurs choisiront plutôt d’offrir à leurs familles le calme de la banlieue, entraînant une augmentation des émissions de GES au Québec.
Chaque nouveau quartier construit hors des centres nécessite aussi la construction de rues, de trottoirs, de réseaux d’aqueduc, de centres commerciaux et d’infrastructures. Pour ce faire, on doit sacrifier des terres agricoles ou des milieux naturels. On augmente aussi la dépendance à l’auto, puisqu’on risque d’être plus loin des services et activités et des transports en commun. La vie en ville ne requiert pas nécessairement une voiture, et c’est tant mieux, car l’auto solo est une des choses à éviter si on veut atteindre nos objectifs de réduction d’émissions (les transports étant responsables de 40 % des émissions au Québec).
Si la population a fui les villes, c’est parce qu’elle n’y trouvait pas ce qu'elle recherchait. Pour assurer un niveau de vie agréable, les centres urbains devront offrir des espaces et des immeubles verts, des lieux publics attrayants et sécuritaires, et des moyens de transport en commun diversifiés et rapides. L’électrification des transports réduira considérablement le bruit. Une ville plus verte et mieux aménagée sera plus invitante et plus agréable pour tous, en plus de mieux contribuer à préserver des écosystèmes essentiels à la biodiversité tout en réduisant nos émissions.
La ville permet aussi plus facilement le retour à l’économie de proximité. En général, le dépanneur est à moins de cinq minutes de marche, alors qu’en banlieue, il faut prendre sa voiture pour la moindre commission. Il est prouvé que les gens utilisent plus de transports actifs en ville qu’en banlieue. Tout est à portée de main : le travail, les divertissements, la culture, les sports, la restauration diversifiée, les soins de santé, etc. C’est un concept au cœur du nouvel urbanisme : la ville des 15 minutes.
C’est un nouveau nom pour une idée classique, celle d’une rue principale vivante et animée où se côtoient piétons, vélos et voitures, commerces, services et logements. « La coop, le ga- bar, la caisse-pop, le croque-mort, et le magasin général », comme le chantaient si bien Les Colocs. C’est une philosophie qui s’applique autant aux grands centres qu’aux banlieues, villes et villages. Parmi les belles réussites, selon Catherine Boisclair : les écoquartiers d’Estimauville et de Pointe-aux-Lièvres à Québec. Vivre en Ville propose aussi plusieurs beaux exemples de densification via l’initiative Oui dans ma cour!
N’est-il pas plus agréable de respirer l’odeur des fleurs et de saluer ses voisins pendant la petite marche qui nous amène au travail, plutôt que de ronger son frein dans la circulation tous les jours?
Image bannière : vue sur le Vieux-Montréal (Roberto Machado Noa - Getty Images)