Exploiter l’énergie des volcans au Canada
Les conditions en Colombie-Britannique sont idéales pour la production d'énergie géothermique à partir de volcans.
Un nouveau moyen de réduire les émissions de GES?
Les scientifiques et les décideurs politiques explorent toutes les énergies renouvelables qui pourraient aider le Canada à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Or, les volcans canadiens pourraient jouer un rôle dans la réduction des émissions, selon Steve Grasby, chercheur scientifique à Ressources naturelles Canada (RNCan).
Certains seront surpris d'apprendre qu'il y a des volcans au Canada. Le pays abrite cinq zones volcaniques potentiellement actives : une chevauche la frontière entre le Yukon et l'Alaska et quatre sont situées en Colombie-Britannique. L'éruption canadienne la plus récente s'est produite il y a 150 ans à Lava Fork, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.
Vue du mont Cayley à partir d’un hélicoptère. (Steve Grasby/Ressources naturelles Canada)
Steve Grasby et ses collègues chercheurs se concentrent sur l'analyse des monts Cayley et Meager, qui sont situés le long de la côte sud, près de Pemberton. Leur analyse indique qu'il existe un « potentiel élevé » d'extraction de l'énergie géothermique des volcans canadiens, en particulier du mont Meager. L'équipe a détecté des gaz volcaniques libérés, ce qui indique qu'il s'agit « davantage d'un volcan actif que d'un volcan inactif ».
« Un puits a été foré au mont Meager et des températures allant jusqu'à 250 °C ont été découvertes à environ 1,5 km de profondeur. Ce sont vraiment des conditions de classe mondiale avec des eaux à très haute température à une profondeur raisonnable », a déclaré M. Grabsy à The Weather Network.
Exploiter l'énergie des volcans
L'extraction de l'énergie géothermique commence par le forage d'un puits, le pompage de l'eau dans le sol, puis son retour à la surface. Les roches à l'intérieur du volcan sont extrêmement chaudes et chauffent l'eau qui passe.
Lorsque l'eau chaude remonte à la surface, elle se transforme en vapeur en raison de la baisse de pression, qui fait ensuite tourner une turbine pour produire de l'électricité. De l'énergie peut également être créée en utilisant l'eau chaude pour chauffer d'autres fluides qui se transforment en vapeur. Ensuite, l'eau utilisée est pompée en toute sécurité dans le sol, et le cycle continue.
Si l'eau extraite du puits est inférieure à 100 °C, elle n'est pas assez chaude pour générer de l'électricité par le processus mentionné ci-dessus, mais elle peut couler dans des tuyaux et être utilisée pour le chauffage direct des maisons, des bâtiments et des systèmes industriels.
« Les ceintures volcaniques de l'ouest du Canada et les régions dotées de bassins sédimentaires chauds au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, dans l'ouest de l'Alberta et dans le sud de la Saskatchewan sont toutes propices à la production d'électricité. D'autres régions du Canada ont le potentiel pour le chauffage direct », a déclaré M. Grasby.
Bien que l'utilisation des volcans pour produire de l'électricité puisse sembler futuriste, de nombreux pays ont développé des opérations à grande échelle autour de cette énergie renouvelable. « L'Islande, par exemple, produit la majeure partie de son énergie à partir de ses systèmes volcaniques », explique M. Grasby.
La fiabilité de l’énergie géothermique
« La ceinture de feu du Pacifique est constituée de toute une série de volcans qui entourent l'océan Pacifique, de la côte ouest de l'Amérique du Nord à la côte est de l'Asie, en passant par l'Amérique du Sud. Le Canada est vraiment le seul pays de la ceinture de feu qui n'a pas encore produit d'énergie géothermique. Nous nous distinguons dans le monde parce que nous n'avons pas encore exploité cette ressource. »
Chercheur de RNCan à la source de Turbid Creek sur le flanc sud du volcan du mont Cayley. Les couleurs vives proviennent des minéraux dissous dans l'eau et des algues et bactéries qui colonisent l'eau chaude. (Steve Grasby/Ressources naturelles Canada)
Parmi les aspects les plus attrayants de l'énergie géothermique, mentionnons la fiabilité, le potentiel de production massive d'électricité et de chaleur, et l'absence d'exigences en matière de stockage de l'énergie excédentaire produite, qui présente un défi pour d'autres énergies renouvelables comme le solaire et l'éolien.
M. Grasby a fait remarquer que le Canada abrite de nombreux autres environnements géologiques qui ont également le potentiel d'être utilisés pour l'énergie géothermique, comme certaines régions des Prairies. Par exemple, DEEP Earth Energy Production Corp., située dans le sud de la Saskatchewan, affirme qu'elle a le potentiel de produire environ 140 MW d'énergie géothermique, ce qui pourrait compenser la quantité d'émissions rejetées par 85 000 voitures par an.
Le Plan canadien de réduction des émissions pour 2030 indique que les investissements dans la technologie géothermique, ainsi que dans d'autres énergies renouvelables qui ne sont pas encore commercialement déployables, comme l'énergie marémotrice et les systèmes de captage et de stockage du carbone, « permettront au Canada d'être un leader mondial dans ces nouvelles technologies. »
Des éruptions difficiles à prévoir
Un exemple du soutien fédéral à l'expansion de l'énergie géothermique est l'investissement de 5 millions de dollars dans Novus Earth. Cette entreprise explore le potentiel géothermique à Hinton, en Alberta, dans l'espoir de combiner un jour l'énergie géothermique, l'hydroponie et l'aquaculture pour produire des fruits et légumes dans la province et dans l'Arctique canadien.
Interrogé sur l'opposition potentielle à la construction d'infrastructures sur un volcan qui pourrait être actif, M. Grasby a expliqué que les éruptions sont notoirement difficiles à prévoir et qu’on ne comprend pas bien le danger que posent actuellement les volcans canadiens.
« Je pense qu'en cas d'éruption volcanique, les problèmes seront beaucoup plus importants qu'une seule centrale géothermique endommagée. L'impact sur l'ensemble de la région sera beaucoup plus important. Je pense donc que c'est une préoccupation relativement mineure », a déclaré M. Grasby.
Les prochaines étapes pour les chercheurs de RNCan consistent à compiler des données et des analyses sur les volcans afin de déterminer les emplacements optimaux de forage, où on observe des températures élevées à des profondeurs relativement faibles.
« Nous espérons contribuer à réduire le risque économique du forage afin de pouvoir partager les techniques que nous avons développées et les données que nous recueillons. Ensuite, [les industries] pourront utiliser ces informations pour prendre des décisions, de même que les organismes de réglementation et les Premières Nations, afin de décider si cela vaut la peine de développer et de forer à l'avenir », a déclaré M. Grasby.
Image bannière : les pics du mont Cayley indiquent le cœur du vieux volcan. (Steve Grasby/Ressources naturelles Canada)
D'après un article par Isabelle O'Malley, journaliste à The Weather Network.