L’hydrogène, carburant du futur?
Le rêve d'un carburant vert, sécuritaire, renouvelable à grande échelle produit à base d’hydrogène pourrait bientôt être une réalité. Mais attention, il ne s'agit pas d'une solution miracle.
L’hydrogène est un élément abondant dans la nature, qui ne produit aucune émission en brûlant, rien que de la vapeur d’eau. Grâce à l’hydrogène, on pourrait résoudre les deux grands défis de la production d’énergie, soit la pollution liée à l’extraction et à la combustion de sources fossiles. Le potentiel de l’hydrogène fait miroiter les profits aux yeux des investisseurs, on assiste donc à une véritable ruée vers ce nouvel or vert.
« On a tendance à voir l’hydrogène comme un miracle, puisqu’il s’agit d’un carburant qui n’émet aucun gaz à effet de serre. En ce moment, l’hydrogène est un carburant du futur – on s’en sert principalement dans le secteur industriel » a expliqué Raphael Hanoteaux, expert en politiques gazières chez E3G, à M.A. Jacquemain pour The Weather Network.
Illustration conceptuelle d'une station d'alimentation à l'hydrogène (Getty)
Vers le futur à vitesse grand V
Dans les derniers mois, plusieurs compagnies ont annoncé des plans ou des prototypes de véhicules – avion, train, voiture de course ou camion lourd – propulsés à l’hydrogène.
En janvier, la compagnie aéronautique ZeroAvia, chef de file dans la conception de piles à hydrogène pour le secteur de l’aviation, a complété un vol d’essai avec un avion partiellement propulsé à l’hydrogène.
L’été dernier, le gouvernement de l’Allemagne a lancé 14 nouveaux trains alimentés à l’hydrogène. Le pays est d’ailleurs signataire d’un accord avec le Canada pour investir dans la production d’hydrogène vert et réduire la dépendance des deux pays aux énergies fossiles.
Plus tôt en 2022, la compagnie First Mode a dévoilé un nouveau camion lourd destiné à l’industrie minière. Dans un autre registre de bolide, un prototype de voiture de course à propulsion électrique-hydrogène a fait ses premiers tours de piste en 2021 et on vise les 24 Heures du Mans en 2025…
Ces avancées sont prometteuses. Si on connaissait déjà les piles à hydrogène depuis des décennies, jamais elles n’avaient été déployées dans les secteurs de l’aviation (responsable de 3 % des émissions de GES mondiales) ou de l’exploitation minière (7 % des émissions, dont près de la moitié sont causées par les camions).
Il n’y a pas que le Canada et l’Allemagne qui investissent pour encourager le développement de ces nouvelles technologies. L'Inflation Reduction Act adoptée aux États-Unis en août 2022 prévoit d’importants crédits d’impôt pour la production d’hydrogène vert. De même pour la Commission européenne dans son Plan industriel du pacte vert.
Gris, bleu ou vert?
Cet investissement sera nécessaire pour réduire les coûts, qui demeurent un obstacle important à l’adoption de cette forme d’énergie. Contrairement aux combustibles fossiles, qui demandent relativement peu de transformation avant d’être pompés dans votre auto, l’hydrogène en forme combustible doit être fabriqué à travers un processus plutôt énergivore.
On doit donc tout d’abord augmenter nos capacités de production. Au Canada, des projets sont en cours pour construire des installations en Alberta, à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse dans les prochaines années.
Cependant, le vrai défi est d’isoler l’hydrogène combustible, un procédé qui demande énormément d’énergie. Selon l’endroit où il est produit, cette énergie peut provenir du charbon ou d’autres sources fossiles qu’on tente de remplacer. Le paradoxe est là.
Par exemple, le complexe qui sera construit en Alberta par la compagnie Air Products Inc produira son hydrogène à l’aide de gaz naturel (le méthane). La technologie est dite « zéro émission » parce que l’installation capture et store les émissions, mais certains experts environnementaux questionnent la logique de produire de l’hydrogène dit propre avec des énergies polluantes.
On distingue alors l’hydrogène « gris », qui représente la majorité de l’hydrogène industriel actuellement fabriqué à partir de méthane sans souci pour les émissions, de l’hydrogène « bleu » où, comme dans le plan albertain, on ajoute un mécanisme pour capter les émissions. Pour être véritablement vert, l’hydrogène doit être produit à l’aide d’énergies renouvelables décarbonées et, forcément, ne produire aucune émission.
L'hydrogène vert doit être fabriqué à partir d'énergie renouvelable (ici éolienne) et n'entrainer aucune émission (Getty)
Selon les critiques, on doit se méfier des projets d’hydrogène bleu poussés par des pétrolières en perte de part de marché, qui n’ont peut-être pas le climat comme priorité centrale. Selon un rapport par le Corporate Europe Observatory, un organisme de veille environnementale, le lobby des compagnies pétrolières a dépensé plus de 70 millions de dollars US pour promouvoir l’hydrogène bleu en Europe.
D’autres études soulignent que cette ruée vers l‘hydrogène dans le transport ou le chauffage des maisons détourne des efforts qui devraient plutôt être dirigés vers l’électrification des transports et l’installation de thermopompes, qui sont six fois plus efficaces que le chauffage à hydrogène.
On préconise surtout l’hydrogène vert produit avec l’énergie solaire ou éolienne, comme c’est le cas pour les installations qui seront construites à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. On pourrait alors sérieusement songer à s’en servir pour remplacer les combustibles fossiles dans les secteurs où les batteries sont moins pratiques, comme l’industrie de l’acier ou les transports commerciaux.
Et la production d’hydrogène devient de plus en plus facile et économique. Il y a seulement quelques semaines, des chercheurs de l’université d'Adélaïde en Australie ont annoncé qu’ils avaient produit de l’hydrogène vert avec de l’eau de mer.
« Nous avons séparé de l’eau de mer en molécules d’oxygène et d’hydrogène avec presque 100 % d’efficacité, pour produire de l’hydrogène vert par électrolyse, avec un catalyseur fait de matériel peu coûteux dans une machine commerciale », a expliqué un des auteurs de l’étude, le professeur Shizhang Qiao. Cela pourrait représenter un pas de plus vers le combustible du futur.
Mais comment ça marche donc?
Selon un article de M.A. Jacquemain, journaliste à The Weather Network.
Image bannière : un camion lourd qui carbure à l'hydrogène (Getty)