Transformer des peupliers en super pompes à carbone
Une entreprise s’est donné pour mission de développer des arbres capables d’absorber plus de CO2 que les arbres naturels.
Living Carbon a réussi à modifier l’ADN du peuplier pour en faire une super pompe à carbone. Même si la compagnie est située en Californie, c’est en Oregon que se trouve son terrain de jeu. L’entreprise y fait pousser 600 de ses arbres génétiquement modifiés en partenariat avec l’Université d’État de l’Oregon.
Selon les dires de l’entreprise, sa technologie, qui en est encore à ses balbutiements, permet à leurs arbres génétiquement modifiés de développer 50–% plus de biomasse qu’un arbre issu de graines conventionnelles et de capturer deux fois plus de CO2 que leurs cousins naturels. Ces arbres poussent plus vite, ce qui a pour effet de laisser moins de temps à des plantes invasives de s’installer dans la forêt.
Toujours selon l’entreprise, la modification génétique apportée aux peupliers permet à leurs racines d'absorber une plus grande quantité de métaux du sol, comme le nickel ou le cuivre. Cette capacité en fait une bonne espèce à planter sur les terrains d’anciennes mines pour aider à la décontamination et à la renaturalisation. Ces métaux ralentissent le vieillissement de l’arbre et favorisent la rétention du carbone par le bois. De plus, cette technologie modifie la structure du bois pour qu’il soit moins sensible à la décomposition. C’est un avantage intéressant, car si un arbre meurt et tombe en forêt, il va relâcher, en se décomposant, tout le CO2 qu’il aura absorbé au cours de sa vie.
La proposition de Living Carbon semble prometteuse. Nous avons rencontré Michel Labrecque, chef de division recherche et développement scientifique au Jardin botanique de Montréal, afin de savoir si cette technologie est le nirvana tant attendu dans la lutte aux changements climatiques.
Il nous rappelle d’abord que les organismes génétiquement modifiés sont utilisés depuis des décennies. « Des équipes dans le monde, et même ici au Québec, travaillent sur la transgénèse sur certains arbres, souvent les peupliers. Notamment pour accroître leur croissance, mais beaucoup pour accroître leur résistance à certains ravageurs, des maladies fongiques en particulier. » D'ailleurs, le peuplier occidental (black cottonwood) a été le premier arbre dont le génome a été séquencé en 2006.
La technologie utilisée par Living Carbon consiste à introduire dans la séquence génétique de l’arbre (son ADN) un gène qui le rend beaucoup plus productif au niveau de la photosynthèse. C’est la photosynthèse qui permet aux plantes d’absorber plus de CO2 et de le transformer en sucre qui, par la suite, va former de nouveaux tissus et ainsi permettre à l’arbre de grandir. « C'est un peu l'idée de ce groupe de recherche là. On va faire des arbres plus productifs, qui vont être plus efficaces pour capter du CO2, donc des gaz à effet de serre, et ça va être meilleur pour le climat », résume M. Labrecque.
Le scientifique souligne qu’il y a beaucoup de réticence, d’un point de vue éthique et écologique, à introduire ce type d’arbre dans nos forêts naturelles. Selon lui, les arbres génétiquement modifiés ne sont pas une arme miracle contre les changements climatiques.
« La meilleure façon de réduire les gaz à effet de serre dans l'atmosphère, ce n’est certainement pas juste en plantant des arbres. Ça aide! C'est une bonne chose, on l’encourage pour la question de la résilience, pour l'adaptation, pour rendre la ville plus attrayante, pour créer des environnements meilleurs. Mais de penser que des plantations d'arbres vont régler le problème des changements climatiques ou de l’accumulation du gaz carbonique dans l'atmosphère… Faudrait en planter beaucoup, beaucoup. »