Transformer un véhicule à essence en véhicule électrique
Serait-il possible et économiquement viable de convertir sa voiture en véhicule électrique? On explore la question avec des experts.
On retrouve de plus en plus de voitures électriques sur nos routes, et pour la planète, c’est une bonne chose. Cependant, ça reste impensable pour plusieurs. Le coût d’un véhicule électrique en a refroidi plus d’un, malgré les mesures incitatives mises en place par les gouvernements provincial et fédéral. D’autres sont convaincus que les voitures électriques ne sont pas aussi vertes qu’on le croit.
Convertir sa voiture à essence en véhicule électrique pourrait paraître une option intéressante. Une recherche rapide sur internet montre que des ensembles de conversion un peu louches existent déjà sur le marché… Mais est-ce que c’est une bonne idée?
Pas si simple
Nous avons posé la question à Annie Levasseur, professeure à l’École de technologie supérieure et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la mesure de l’impact de l’activité humaine sur les changements climatiques. Selon elle, il y a d’abord des enjeux techniques, car les deux types de véhicules n’ont pas été conçus de la même façon.
« Le poids est à des endroits différents. Il y a des enjeux liés à la sécurité et à d’autres éléments comme la suspension, qui va être impactée par la masse du véhicule. Donc techniquement parlant, c’est sûr que c’est assez différent. »
Du point de vue légal, les véhicules convertis sont soumis aux réglementations qui s’appliquent aux véhicules modifiés de façon artisanale. Le projet doit être approuvé par la SAAQ avec le rapport d’un ingénieur. On doit notamment s’assurer que le poids est réparti correctement, que les freins et les coussins gonflables fonctionnent bien et que tout est sécuritaire pour le propriétaire du véhicule et les autres usagers de la route.
Puis le processus est vraiment coûteux. Selon Annie Levasseur, il est plus avantageux pour la plupart des gens de vendre leur véhicule à essence et d’en acheter un électrique. De cette façon, la personne qui rachète votre voiture à essence ne s’en achètera pas une neuve, ce qui est bénéfique pour l’environnement, et vous vous déplacez maintenant sans émettre de GES.
Certains qui seraient tentés par l’achat d’un véhicule électrique hésitent, car ils pensent que la batterie est loin de satisfaire aux exigences en matière de développement durable. Annie Levasseur souligne que l’impact des batteries électriques est moindre par rapport aux voitures à essence si on fait beaucoup de kilométrage, surtout qu’au Québec l’électricité est déjà bien décarbonée. Il faut bien réfléchir au cycle de vie complet des deux types de véhicules.
« Il y en a qui disent que la voiture électrique, au moment de la production, a plus d’impact qu’une voiture à essence à cause des batteries. C’est vrai. C’est ensuite, en utilisant la voiture électrique, qu’on accumule le bénéfice. Dans un endroit comme le Québec, on peut compenser très rapidement cet impact supplémentaire. »
Elle souligne que la conversion d’une voiture rare ou de collection est plus sensée du point de vue économique que de convertir des modèles utilisés au quotidien, car les coûts de conversion sont très élevés.
Plutôt recycler
Guillaume André, président et fondateur de la compagnie Ingenext, abonde dans le même sens.
« La conversion électrique, ce n’est pas pour le véhicule de monsieur madame Tout-le-Monde. Ça peut être des véhicules de collection, des véhicules qui valent cher. Ça peut aussi être pour des applications très particulières, des véhicules miniers ou des véhicules dans le Nord, ou même des véhicules aéroportuaires. On vient répondre à un besoin de convertir des équipements qui n’existent pas, c’est ça notre force. »
Ingenext a plutôt pris l’approche de la réutilisation et du recyclage. L’entreprise trifluvienne achète des véhicules électriques qui ont été déclarés des pertes totales par les assureurs. Ils sont démontés, puis on réutilise les composantes dans d’autres types de véhicules. D’autres pièces sont vendues comme pièces de remplacement pour des véhicules accidentés.
Tout type de véhicule électrique peut avoir une nouvelle vie, mais il utilise surtout les pièces des Bolt, car c’est une technologie qui est fiable, et celles des Tesla, qu’on retrouve en grand nombre.
Avec son équipe, il a développé une expertise qui lui permet de faire certaines modifications aux véhicules destinés à recevoir cette transformation. C’est le cas des Tugs, ces petits véhicules qui transportent vos bagages sur le tarmac. L’entreprise en a converti près d’une dizaine qui sont déjà en fonction à l’aéroport Montréal-Trudeau, et pourrait en convertir une cinquantaine annuellement. « C’est une technologie des années 80 qu’on remet au goût du jour », souligne-t-il.
L’équipe a dû repenser le positionnement et le couplage des batteries pour qu’elles puissent s’intégrer sur le châssis de ces transporteurs. De plus, la technologie mise de l’avant par les ingénieurs de l’entreprise augmente la puissance et la durée de vie des batteries. Selon Guillaume André, les compagnies aériennes n’auront besoin de recharger leurs Tugs qu’une fois par semaine.
Pour réussir ce type de conversion à la perfection, l’entreprise a conçu une pièce qui permet à toutes les composantes du nouveau véhicule de communiquer entre elles, même si elles proviennent de manufacturiers différents. Cette invention est unique et Ingenext la vend partout dans le monde. L’entreprise refait aussi complètement le filage des véhicules afin que ceux-ci fonctionnent malgré les modifications apportées aux véhicules.
En conclusion, il n’est pas économiquement viable de convertir votre véhicule à moins qu’il s’agisse d’une pièce de collection et que vous soyez prêt à y mettre le prix. Heureusement, il y a des gens qui travaillent à donner une deuxième vie aux batteries de voitures électriques et ainsi les rendre encore plus écologiques.
Image bannière : batterie provenant d'une voiture électrique, enlevée pour être réutilisée dans un nouveau véhicule (Source : MétéoMédia)