Et si les murs des immeubles pouvaient nourrir les citadins

Une firme d’architectes a remporté le prix “Réinventer Paris” avec une technologie qui permet aux façades des immeubles de devenir d’immenses surfaces productrices de super aliments.

En 2050, 70 % de la population mondiale vivra en ville

Selon madame Anouk Legendre, architecte de la firme X-TU Architects, c’est la constatation de la disparition de terres cultivables partout autour du globe et la prolifération des villes qui est à l’origine de leur concept. Il faut faire produire la ville, car bientôt il n’y aura plus assez de terres agricoles pour nourrir tout le monde, souligne Mme Legendre.

La firme lauréate propose d’installer sur les façades de certains édifices des caissons en verre de 3 cm d’épaisseur contenant des algues microscopiques. Grâce à la photosynthèse, cette population d’algues consomme du CO2 pour se reproduire et rejette de l’oxygène, ce qui en fait des pièges à carbone ultra efficaces. Elles sont si prolifiques que l’on doit en faire la récolte tous les jours. Selon le type d’algues, il en existe des milliers, elles peuvent servir de super aliments ou de biomédicaments. Une espèce en particulier, l’Haematococcus pluvalis, est reconnue comme un antioxydant très efficace. Il ne s’agit pas de stopper complètement les autres apports en protéines dans notre alimentation, comme les viandes, mais plutôt d’offrir une alternative à celles-ci, car la production de viandes requiert beaucoup d’énergie et d’eau potable.

XTU Architectes Plans

Crédit : X-TU Architects

Les avantages sont nombreux

Ces algues sont riches en bêta-carotène, en fer, en vitamine B12, en vitamine C, en protéines, en minéraux et en oligo-éléments. En les ajoutant à notre alimentation, elles peuvent facilement remplacer une portion de viande. Certaines variétés sont même reconnues pour leur capacité à renforcer le système immunitaire, souligne l'architecte. Une autre technologie similaire, celle-là britannique, utilise depuis 2013 la production de cette biomasse comme carburant pour chauffer un immeuble de Hambourg en Allemagne, la BIQ House.

BIQ House

Crédit : ARUP SolarLeaf

Les algues peuvent aussi être séchées avant d’être vendues à des compagnies de cosmétiques, qui sont prêtes à payer jusqu’à 30 000 $ le kilo, permettant ainsi de rembourser l'investissement initial plus rapidement. Il est même possible d’envoyer l’oxygène rejeté par le processus de photosynthèse, à l’intérieur de l’édifice pour en purifier l’air.

Puisque les liquides ont la propriété de ralentir l’impact des variations de température, ces panneaux remplis d’eau et d'algues freinent la hausse des températures à l’intérieur de l’édifice lors de canicule et ralentissent la pénétration du froid lors des mois d’hiver. Un thermostat naturel et efficace qui diminue les coûts d’énergie. De plus, lorsqu'il y a un surplus de chaleur, à l’intérieur du caisson, celui-ci est envoyé au système de production d’eau chaude du bâtiment. C’est comme un capteur solaire qui, en plus, produit de la biomasse souligne madame Legendre.

Avec un souci de l'esthétique

Puisque certains types d’algues ont la propriété de passer du vert au rouge, la façade de l’immeuble est en constante évolution. Sans compter que plusieurs variétés d’algues offrent un grand éventail de couleurs selon leur type. De plus, l’injection d’air et de CO2 pour nourrir les algues forme un magnifique rideau de bulles à l’intérieur des caissons. Ils peuvent également être joliment éclairés la nuit pour donner un effet plus naturel à une mer de béton.