Les abysses océaniques se réchauffent plus vite que la surface
Le réchauffement global auquel on assiste ne se fait pas de façon uniforme partout sur Terre. D’abord, les régions de terres émergées du globe voient leurs températures moyennes augmenter plus vite que celles où se situent les océans. C’est normal, car l’eau varie plus lentement en température que l’air. Mettez deux casseroles sur la cuisinière, une pleine d’eau et l’autre pleine d’air. Avec le feu au maximum, après trois minutes, vous vous brûlerez dans celle qui est remplie d’air tandis que celle avec de l’eau aura à peine eu le temps de tiédir.
Les changements climatiques forcent la réorganisation des écosystèmes. La plupart des espèces migrent, lentement mais sûrement, en direction des pôles. Cette réorganisation de la biodiversité aura un impact sur la santé future de la planète. Si on croyait que les espèces vivant dans les profondeurs des océans étaient protégées de l’impact des changements climatiques, cette nouvelle étude prouve que même celles-ci risquent d’être extirpées de leur habitat actuel.
C’est pour cette raison que l’hémisphère Sud se réchauffe moins vite que l’hémisphère Nord. Au nord, il y a plus de terres que d’eau et au sud c’est le contraire. On a longtemps cru que les profondeurs des océans étaient immunisées contre le réchauffement climatique, car les éléments responsables de ce dérèglement n’entrent pas en contact avec le fond des océans. Une nouvelle étude internationale, parue dans la revue Nature Climate Change, arrive à une tout autre conclusion.
Trois scénarios
Les chercheurs ont utilisé trois modèles pour en arriver à leurs conclusions. Le premier suppose que le pic maximal des émissions de gaz à effet de serre se produit en 2020 et que, par la suite, on assiste à une réduction massive de celles-ci jusqu'à la fin de ce siècle. Ils ont conclu que les eaux de surface commenceraient à se refroidir, mais que les eaux plus profondes continueraient de se réchauffer quatre fois plus vite que le réchauffement actuel des eaux de surface et que les abymes verraient leurs températures augmenter cinq fois plus vite.
Le deuxième scénario émet l'hypothèse que le pic des émissions se ferait en 2040, suivi d’une réduction. Dans ce scénario, les chercheurs concluent que toutes les couches des océans accélèreraient leur réchauffement par rapport à celui déjà observé aujourd’hui. Leur troisième scénario prévoit qu’aucune réduction des émissions ne serait amorcée jusqu'à la fin de ce siècle. Les résultats sont alarmants pour toutes les espèces vivant dans les océans. Celles-ci verraient les couches profondes des océans se réchauffer vingt fois plus rapidement qu’elles ne le font actuellement.
Selon les scientifiques participant à cette étude, même avec des mesures d'atténuation des émissions, qui auraient un impact sur le réchauffement des eaux de surface d’ici 2100, les eaux plus profondes ne ressentiraient que peu d’impact de cette réduction. En fait, plus on va en profondeur, moins les impacts seraient mesurables.
Difficile adaptation des espèces à prévoir
Les résultats de l’étude font état d’une rapide accélération de l’impact des changements climatiques sur toutes les couches des océans durant la deuxième moitié du siècle. Parce que les espèces vivant en eaux très profondes se sont adaptées à une température assez stable, elles sont très vulnérables aux moindres variations de leur écosystème. Avec les changements climatiques, on remarque que les espèces commencent à migrer. Si pour les espèces terrestres, un déplacement en altitude sur des montagnes peut être salutaire, pour celles qui vivent dans les océans, le réchauffement les force à migrer vers des zones plus profondes. Ce qui fait que, autant sur terre que dans les mers, l’équilibre prédateur vs proie sera grandement perturbé.