Une solution millénaire trop peu connue
Les rizières émettent chaque année d'énormes quantités de méthane. C’est une des cultures les plus répandues. Près de 500 millions de tonnes sont consommées annuellement dans le monde, soit plus de 15 tonnes par seconde. Cette culture est responsable de 10 % des émissions mondiales de méthane. Ce gaz à effet de serre est 70 fois plus efficace pour emprisonner la chaleur que le CO2.
Il n’y a pas que les pays asiatiques qui produisent du riz. En Amérique du Nord, les États-Unis sont le plus grand producteur de riz, suivis par le Mexique et le Canada. Chez nos voisins du Sud, l’Arkansas et le premier producteur, la Californie arrive en deuxième position. La culture du riz a piqué la curiosité du Resource Renewal Institute (RRI). Cet organisme à but non lucratif œuvre dans le domaine du développement durable. Il se dédie à rendre la gestion des ressources terrestres et marines plus éco responsables.
Aux États-Unis, le riz n’est pas cultivé dans des milieux humides comme en Asie. Il est plutôt cultivé et récolté, comme les céréales, de manière conventionnelle. Cependant, les terres utilisées pour cette culture sont de vastes plaines qui deviennent inondées pendant l’hiver à cause des pluies saisonnières. Les producteurs les drainent chaque printemps pour préparer les champs et semer le riz. Les récoltes se font avec des moissonneuses-batteuses. Le grain de riz est détaché de la plante, mais celle-ci est laissée en place et se décompose lorsque le champ est inondé à nouveau. Le riz est une des rares cultures qui produit du méthane quand il pousse, mais aussi quand le plan se décompose.
Lors de ce processus, il se crée deux types de bactéries. Celles qui émettent du méthane et celles qui se nourrissent de méthane. On retrouve aussi des organismes microscopiques appelés zooplancton. Ceux-ci se nourrissent des bactéries qui normalement consomment du méthane. Sans ces bactéries, les champs deviennent d’importantes sources d’émissions de ce puissant gaz à effet de serre. Afin de limiter ces émissions, le RRI s’est inspiré du projet Nigiri en implantant le concept en Arkansas.
Dans le cadre de ce projet en Californie, des milieux humides qui servaient d’escale aux oiseaux migrateurs ont été ensemencés avec des saumons. Cette méthode assure un écosystème plus sain et plus équilibré. Ce qui se voulait avant tout un projet de restauration de milieux humides et de production de poissons pour limiter la surpêche est devenu un projet de réduction d’émission pour la culture du riz en Arkansas.
La présence de poissons dans cet écosystème réduit de façon significative les émissions de méthane, car le poisson se nourrit de zooplancton. Il reste donc, dans l’écosystème, beaucoup plus de bactéries qui consomment le méthane que si le zooplancton n’avait pas de prédateur. Cette méthode est largement répandue en Asie depuis des millénaires et considérée par les Nations Unies comme un héritage culturel mondial.
Pour ensemencer les champs inondés, on utilise des menés jaunes qui sont produits en grande quantité, car ils servent aussi d’appât aux pêcheurs récréatifs. Ils sont donc peu coûteux à produire, ce qui est aussi enviable afin d’atteindre les objectifs de développement durable souhaités par le RRI. De plus, ce n'est pas une espèce menacée. Autre avantage, le mené jaune mange énormément lors de ses premiers mois, car sa courbe de croissance est assez prononcée. Il est donc très efficace pour débarrasser du zooplancton les plans d’eau où il est introduit. Il a aussi été choisi puisque c’est une espèce indigène aux milieux humides américains. Leur présence attire une grande variété d’oiseaux, ce qui rend l’écosystème encore plus riche.
Quand les champs sont drainés au printemps, les poissons sont récoltés et servent soit de nourriture pour les plus gros poissons élevés en aquaculture, soit de protéines dans la nourriture pour animaux domestiques. Ce volet s’inscrit aussi dans un contexte de développement durable, car on diminue la quantité de poissons pêchés pour satisfaire les besoins. Cette méthode a de nombreux avantages. Elle réduit les émissions de méthane des champs de riz, favorise un écosystème plus riche et diminue la surpêche. C’est un autre bel exemple qui prouve que vivre en harmonie avec la nature nous aide à avoir une planète plus saine pour les générations futures.