L’étranger qui s’est fait adopter par les communautés autochtones
À droite de la Maison amérindienne à Saint-Hilaire un feu brûle sous une immense marmite. C’est à cet endroit qu’André Michel m’a donné rendez-vous. Quand j’arrive, il est tout sourire, et déjà à son accent, je comprends qu’il ne vient pas du sud de la Gaspésie !
André Michel vient du sud de la France, à Avignon, en Provence. Ce sont les rencontres et les hasards de la vie qui l’ont mené au Québec à l’automne 1970.
André est un artiste. À la fin des années 60, il fait la connaissance de Ghislaine Tellier. Elle est la conjointe de Jean-Pierre Masson, le fameux Séraphin dans Les Pays d’en haut. À l’époque, elle tenait le Café des artistes, sur l’ancien boulevard Dorchester, qui s’avérait être aussi une galerie d’art. Elle l’invite à venir exposer ses œuvres ici à Montréal.
Quelque temps après avoir déposé ses valises, la crise d’Octobre éclate. C’est à ce moment-là qu’il décide de louer une voiture et de partir à la découverte du Canada.
« Arrivé sur la Côte-Nord, on m’invite à rester un certain temps. Finalement, j’ai passé 18 ans de ma vie à Sept-Îles. Donc quinze années à partager la vie des Innus dans le bois ». — André Michel, artiste et fondateur de la Maison amérindienne
Surnommé « Le peintre des Amérindiens »
Pendant que ses compagnons innus allaient à la pêche et à la chasse, André Michel les accompagnait, pour les dessiner. Mais pour les dessiner, il a dû se faire accepter. Il a été patient et tranquillement ils se sont ouverts, ils lui ont parlé et se sont confiés. Comme André Michel me l’explique, dans ces moments-là, il se met en mode passif. Il dessine et il écoute.
« Quand je dessine quelqu’un, autochtone ou non, il se passe toujours quelque chose. Il y a un échange, un regard, un sourire ». — André Michel
C’est à cette époque qu’il réalise que lui, l’homme blanc, savait juste regarder, quand eux savaient voir, et que lui savait juste écouter, quand eux savaient entendre. André Michel me dit en riant, qu’en ville ces gens-là, ce sont des gens comme vous et moi. Mais dans le bois, ce sont des surhommes !
C’est aussi à cette époque qu’il fait la connaissance de Jean-Marie McKenzie, un chasseur, trappeur, joueur de tambour et chanteur.
« Ça a été une rencontre déterminante dans ma vie. C’est lui qui m’a tout appris de la nature, du respect de la nature. Je l’ai aimé comme un père, et lui me l’a rendu comme si j’étais son fils ». — André Michel
À la mort de son grand ami, André Michel décide de quitter le nord du Québec et vient s’installer en Montérégie, à Mont-Saint-Hilaire.
La Maison
Pour rendre hommage au peuple innu qu’il admire, il fonde la Maison amérindienne sur la terre d’une ancienne érablière. L’endroit est idéal, chaleureux et invitant. Rien dans la construction n’a été laissé au hasard.
Premièrement la maison est orientée vers l’est.
« Dans le bois, on essaye toujours d’orienter la porte du tipi vers l’est, le sud-est. Pour la chaleur, et aussi parce que ça va avec le cercle de vie ». — André Michel
Et si vous regardez les sculptures qui agrémentent la propriété, elles ont été pensées dans cet esprit-là et représentent les quatre points cardinaux.
Les outardes sont blanches, elles s’envolent vers le nord. L’Indien est jaune, il est dirigé vers l’est, vers le lever du soleil. L’orignal est rouge, parce qu’il vient du sud. Et l’ours noir, il vient de l’ouest ; il représente le soleil couchant et en même temps la mort.
La maison se veut, comme André Michel me l’explique, un lieu d’échange, de partage et de rapprochement des peuples. Certains visiteurs diront qu’ils ont plus appris sur les Premières Nations en deux heures, qu’en une vie.
À la question : quelle façon voulez-vous que l’on se souvienne de vous ?
André Michel répond: __« Que je suis devenu une sorte de métissé culturel et un trait d’union, si petit soit-il, entre autochtone et non-autochtone ». __
Rendez-vous… à Mont-Saint-Hilaire en Montérégie !