Notre météorologue, chasseur de tempêtes, revient sur le film Tornades

Les Québécois qui ont adoré le film Twister sorti en 1996 peuvent maintenant découvrir la suite de ce classique, Tornades, qui est sortie dans les salles ce 19 juillet 2024. Est-ce que la nouvelle version du réalisateur Lee Isaac Chung tient vraiment la route? Après avoir vu cette fiction, Nicolas Lessard, météorologue et chasseur de tempêtes depuis dix ans, nous livre son avis d'expert.


Nicolas Lessard s'est déjà rendu dans plus d'une vingtaine d'États des États-Unis, du Wyoming jusqu'au Nouveau-Mexique, pour suivre ces phénomènes météorologiques. Alors, il connaît très bien « l’allée des tornades », un couloir suivant une orientation nord-sud situé dans les Grandes Plaines, où des tornades sont fréquentes.

Chaque année, le chasseur de tempêtes et météorologue part en Oklahoma, au moment du point chaud de la saison des tornades. Il a déjà vu plusieurs de ces phénomènes météorologiques de ses propres yeux. Et c'est justement en Oklahoma que se déroule cette fiction sortie récemment. Voici donc la différence entre le film et la réalité sur le terrain.

Avons-nous déjà vu des tornades de cette taille? Causant des dégâts de cette ampleur?

« Oui, il y a déjà eu des tornades aussi grosses que celles montrées dans le film. Ce n’est pas explicitement mentionné dans le film, mais l’une des tornades les plus dévastatrices de l’histoire y est montrée. C’est une tour d’eau portant le nom de la ville d’El Reno, en Oklahoma, qui permet de faire le lien avec la tornade qui a eu lieu le 31 mai 2001 dans la même ville. Certes, la tornade réelle n’avait pas exactement la même apparence. »

En ce qui concerne les effets spéciaux, les tornades sont-elles bien illustrées?

« Oui, les tornades étaient vraiment bien faites, les mouvements et les courants dans les nuages étaient fidèles à la réalité. La structure d’une supercellule était également réaliste. Il y avait même de vraies images prises par de vrais chasseurs. »


  • Définition d'une supercellule : il s’agit d’un type d’orage particulièrement violent et durable, caractérisé par un fort mouvement ascendant alimenté par l’instabilité de l’air. Ce qui la distingue, c’est le cisaillement vertical du vent qui permet aux précipitations de tomber à un endroit décalé par rapport au mouvement ascendant, permettant ainsi à ce dernier de persister plus longtemps et de s’intensifier. Une supercellule se caractérise aussi par son courant ascendant qui est en rotation (mésocyclone).


Est-ce qu’une tornade peut se transformer en tourbillon de feu après avoir frappé une raffinerie, comme dans le film?

« Oui, une tornade de feu, ou firenado, est possible et même assez couramment observée dans les incendies de forêt les plus violents. La chaleur intense causée par le feu permet une déstabilisation suffisante pour former une brève tornade de feu et même un pyrocumulus, une forme spéciale d'un cumulus formé par la chaleur intense. Les firenadoes ne font toutefois pas de dégâts. Ce qui est montré dans le film est un peu plus poussé à l’extrême avec une raffinerie qui explose en feu. »

Notons qu'il y a déjà eu des firenadoes au Canada, notamment en Colombie-Britannique en août 2023.

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En tant que chasseur de tempêtes, as-tu été convaincu par l’interprétation des personnages? Est-ce que ça reflète bien ton travail?

« Oui, ça paraît que les producteurs du film ont travaillé avec des météorologues et des chasseurs de tempêtes pour assurer une justesse dans la science impliquée. Par contre, à quelques moments, la démonstration de cette science était incorrecte, mais c’était prévisible compte tenu du fait que ça reste un film et qu'après tout, le but principal est de divertir! »

Dans la réalité, est-ce que les chasseurs de tempêtes peuvent s’approcher aussi près des tornades?

« Il y en a qui s'approchent très près d’une tornade et, dans de rares occasions, à des fins de recherche, certains pénètrent dans la circulation tornadique avec des véhicules spéciaux. Par contre, ce qui est montré dans le film est très dangereux et, en réalité, serait mortel. Il ne faut jamais se placer directement dans une tornade, contrairement à ce qui est montré. »

Est-ce qu’une tornade se déplace réellement aussi vite que ce que l’on voit à l’écran?

« Une tornade a généralement la même vitesse de déplacement que la cellule orageuse qui la produit. Par contre, parfois une tornade peut avoir un mouvement aléatoire différent de la trajectoire usuelle et elle peut ralentir ou accélérer. »

Est-ce possible de maîtriser une tornade d’une quelconque manière? Existe-t-il, à ce jour, des technologies qui puissent affaiblir les tornades?

« À l’échelle de l’atmosphère, il est impossible de maîtriser ou de modifier une tornade. Il y a tellement de choses impliquées dans les dynamiques d’une tornade qu’aucune technologie actuelle ne peut modifier quoi que ce soit. Toutefois, l'étude des tornades en lançant des sondes avec des fusées ou en prenant des mesures à l'intérieur avec un véhicule spécial est d'actualité et permet justement de mieux comprendre le phénomène encore incompris des scientifiques. »

Qu’est-ce que tu as particulièrement aimé du film?

« J’ai vraiment aimé le fait que c’était une réelle suite au premier film de 1996 et qui tient d’ailleurs compte des nouvelles avancées technologiques, notamment la nouvelle génération de radar. J’ai aussi aimé la représentation d’une journée typique de chasseur de tornades, surtout avec la scène à la station-service qui évoque un rassemblement de plusieurs passionnés, ce qui se produit réellement. J’ai également apprécié la démonstration de la science derrière les tornades qui était expliquée au bon moment de la bonne façon. »

Les tornades sont toujours classées sur une échelle de 0 à 5, alors tu classerais ce film dans quelle catégorie?

« Je dirais que le film se classe EF4 (8/10) sur l’échelle des tornades. »