L'hiver ne sera pas à la hauteur de sa réputation au Québec
Même si l'hiver paraît prometteur en décembre, la suite risque d'en décevoir plus d'un. Aperçu saisonnier.
En bref :
Début de saison prometteur au Québec;
Hiver neigeux pour le nord-ouest du Québec;
Dominance de la douceur pour fin décembre, janvier et février;
Mélanges de précipitations avec neige, pluie verglaçante et pluie;
L'hiver ne va pas s'étirer cette année.
Rendez-vous manqué
Les météorologues prévoient que le Québec va manquer son rendez-vous avec l'hiver 2024-2025. Selon les modèles et le jeu des masses d'air, le contexte s'avère propice à la douceur. Dans l'ensemble, des températures au-dessus de la normale sont anticipées pour le trimestre décembre-janvier-février. Toutefois, le début de la saison météorologique sera encourageant pour les amateurs d'activités extérieures. Même les secteurs du sud de la province auront droit à un paysage hivernal et tous les espoirs seront permis.
« Décembre sera le mois le plus froid des trois par rapport à la normale, explique André Monette, chef de la météorologie. On s'attend à un mois typique avec des températures près des normales pour le début de l'hiver. Avec un départ dans le froid, on a plus de chances d'avoir un Noël blanc. Décembre ne sera pas nécessairement représentatif du reste de la saison. »
La Niña dissipée
N.B. : La Niña est un phénomène qui désigne de l'eau de surface du Pacifique équatorial plus froide que la normale d'au moins 0,5 °C. À l'inverse, El Niño représente une anomalie d'eau chaude de 0,5 °C et plus dans la même région.
Parmi les acteurs qui influencent le cours de la saison hivernale au Québec, il y a la situation dans le Pacifique équatorial. La Niña intéresse les météorologues actuellement parce que ce phénomène peut changer l'allure de notre hiver. Toutefois, même si un épisode La Niña se confirme durant les prochaines semaines, son règne sera de courte durée et son intensité relativement faible. De plus, au nord et à l'ouest dans le Pacifique, les eaux sont anormalement chaudes. Cette situation est inhabituelle. Mentionnons que lorsque l'atmosphère réagit positivement dans un contexte La Niña, le Québec a droit à un hiver plus doux et plus actif que la normale.
« La température de l'eau du Pacifique nord-ouest est actuellement record, précise André Monette. On aura un hiver dans un contexte La Niña faible. C'est même possible de ne jamais atteindre l'anomalie d'eau froide à 0,5 °C de la normale. Ce que l'on prévoit malgré tout, c'est une domination d'un creux dans l'ouest et d'une crête dans l'est du continent avec un courant-jet actif qui passe près de la Belle Province. Par conséquent, le Québec va basculer dans le temps doux. »
Pour tous les goûts
En janvier et en février, le sud du Québec devra s'armer de patience pour recevoir seulement de la neige. C'est plutôt un mélange de précipitations avec de la pluie, de la pluie verglaçante, du grésil et de la neige. Le nord-ouest de la province sera la région gagnante en ce qui concerne les flocons. Cela s'explique en partie par le tracé des systèmes qui, selon les prévisions, prendra la trajectoire nord.
« Un hiver de toutes sortes de tempêtes, anticipe Réjean Ouimet, météorologue. De la neige au nord et des épisodes de pluie et de vent sont au menu pour le sud. Une neige moins dense et fréquente, à l’image des derniers hivers qui va être jumelée à la pluie. Ce qui va éventuellement effacer tout ce qui pourrait être au sol. »
Moins de puissantes tempêtes
Les systèmes qui frappent au Québec durant l'hiver proviennent de différentes sources. Il y a ceux de l'Ouest canadien, du Colorado ou du Texas, du golfe du Mexique et les fortes tempêtes côtières qui sont susceptibles de générer d'importantes quantités de précipitations. Ces dernières vont moins s'exprimer cette année en raison d'un élément manquant : le contraste de températures. Selon les experts, la majorité des systèmes vont prendre naissance dans le sud-ouest des États-Unis.
« Il y aura moins de systèmes côtiers cet hiver, affirme André Monette. Des perturbations en provenance du Colorado ou du golfe du Mexique sont possibles. Nous aurons droit à de bonnes tempêtes, mais probablement pas ces grosses bordées de 60 cm et plus. »
« Les tempêtes de la côte est qui peuvent générer des quantités de neige abondantes seront peu ou pas fréquentes cet hiver, ajoute Réjean Ouimet. Elles pourraient être l’exception d’une saison plutôt tranquille, à l’image des dernières années.
Une affaire de trajectoires
Lorsque le Québec se retrouve dans la ligne de mire du courant-jet, ces vents forts en altitude qui tracent la route aux systèmes, la trajectoire devient un enjeu en ce qui concerne la nature des précipitations. Si la perturbation passe au sud, la région en question se trouve du côté froid. Par conséquent, les chances de neige augmentent. À l'inverse, un tracé plus au nord signifie des températures plus douces, donc de la pluie ou un cocktail météo. À l'heure actuelle, le deuxième scénario est privilégié par les météorologues. De fait, le positionnement clé du point de bascule entre la chaleur et le froid est situé dans l'axe de Mont-Laurier vers le Saguenay, donc pas si loin du grand Montréal.
« Pour l’instant, on pense que les systèmes emprunteront une trajectoire plus au nord, estime André Monette. Dans le sud du Québec, on aura droit à plus de mélanges de précipitations et moins de neige que la normale. Mais, il suffira que quelques systèmes passent plus au sud et la région se retrouve avec plus de neige que la normale. »
Vrai hiver, hiver manqué
Le Canada est un vaste territoire. Les masses d'air drainent de la douceur ou du froid au gré de la trajectoire du courant-jet. Du reste, le contexte dominant cet hiver condamne l'Ouest canadien à une saison rigoureuse avec des températures froides, tandis que la portion est du pays va plutôt bénéficier d'une crête et de temps doux.
« De l'Ontario jusque dans les Maritimes, après un départ dans le froid, la douceur va revenir, poursuit André Monette. Pour l'Ouest canadien, c'est exactement l'inverse. On prévoit plus de précipitations que la normale dans les montagnes Rocheuses. Une belle saison de ski en perspective.
L'hiver va manquer de souffle dans les Maritimes
Payer le prix
La question se pose : le Québec va-t-il payer le prix d'un hiver doux avec l'arrivée tardive du printemps? La saison hivernale pourrait-elle jouer en prolongation? Les indicateurs sont clairs : la douceur marquera janvier et février et cette tendance va se maintenir.
« La douceur va se poursuivre en mars, assure André Monette. L'hiver ne va pas se prolonger. Il ne faut pas se fier aux premières semaines de décembre : cette situation sera temporaire. »
Avec la collaboration de Réjean Ouimet, André Monette et Patrick Duplessis, météorologues.