Le mystère des gouffres géants enfin résolu
Depuis l'apparition mystérieuse en août 2020 d'un énorme cratère en Sibérie occidentale, les experts envoyés dans cette région arctique ont du mal à parvenir à un consensus sur la cause de sa formation.
La fonte des glaces directement en cause
Une étude publiée dans Geosciences par une équipe de scientifiques russes rapporte qu’une accumulation de méthane sous la surface de la Terre serait la cause de l'explosion qui a formé ce trou gigantesque de 20 mètres de large par 30 mètres de profondeur. Des drones ont été lancés dans le cratère pour capturer des dizaines d'images qui ont ensuite été modélisées en 3D afin que les chercheurs puissent analyser sa structure.
Ces images associées aux connaissances existantes sur les gaz libérés par les lacs, les rivières et le sol de la région ont conduit les chercheurs à la conclusion que c'est la fonte d'une poche de glace contenant du méthane qui aurait fait pression sur le sol et provoqué l'éruption du cratère.
Crédit photo : Evgeny Chuvilin/CNN
Le réchauffement de l'Arctique entraîne la dégradation du pergélisol, ce qui intensifie les émissions de gaz dans l'atmosphère. L'étude indique d'ailleurs que de grandes émissions de gaz provenant du pergélisol ont été observées dans l'Arctique russe au nord de la Sibérie occidentale, en particulier dans les péninsules de Yamal et de Gydan.
L'impact du méthane sur les régions arctiques
Mesuré sur une période de 20 ans, le méthane est un gaz à effet de serre 84 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Certaines régions du pergélisol arctique, dont le sol est censé être gelé en permanence tout au long de l'année, ont commencé à dégeler à mesure que les températures mondiales se réchauffent. Cette couche de sol devient ainsi suffisamment chaude pour que la vie microbienne se réveille et que les matières organiques se décomposent à l'air libre, un processus qui libère du dioxyde de carbone et du méthane. Les cristaux de glace contiennent également des molécules de méthane, qui sont libérées pendant la fonte.
Le pergélisol est très sensible aux changements de température et même un réchauffement inférieur à un degré peut provoquer des changements dans l'écosystème. Les scientifiques évaluent à plusieurs milliards de tonnes les quantités de méthane et de dioxyde de carbone qui pourraient être émise si des portions importantes de pergélisol commençaient à fondre dans les décennies à venir.
Les projections climatiques les plus optimistes estiment un réchauffement de 1,5 °C d'ici 2100, alors que les scénarios dans lesquels les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent à l'allure actuelle évoquent un réchauffement de 5 °C.
17 autres cratères de ce type depuis 2013
Environ les deux tiers du territoire terrestre de la Russie sont couverts d'un pergélisol qui peut atteindre 1 500 mètres de profondeur dans certaines parties de la Sibérie. Le premier cratère issu d'une éruption de méthane a été accidentellement découvert par des pilotes d'hélicoptère en 2014 au-dessus de la péninsule de Yamal. Et depuis 2013, ce sont 17 cratères similaires qui ont été enregistrés dans les péninsules de Yamal et Gyda en Sibérie. Cela soulève des questions sur l'échelle géographique de cet inquiétant phénomène et son potentiel de se produire dans d'autres régions de la toundra.
Crédit photo : Evgeny Chuvilin/CNN