L'étonnant pouvoir des grandes villes sur les précipitations
Au Québec, les systèmes dépressionnaires nous proviennent habituellement de l’Alberta ou du Colorado. Plusieurs autres endroits sur le globe sont aussi le berceau de plusieurs précipitations. Parmi eux, les grandes métropoles. Explications.
Aussi étrange que cela puisse paraître, les grandes villes ont le pouvoir de créer des nuages. Quand toutes les conditions sont réunies, elles peuvent même provoquer des averses de pluie ou de grêle et déclencher des orages… de la même façon que les montagnes du Colorado par exemple.
Des ingrédients indispensables
Pour qu’un nuage se forme, on a besoin de trois ingrédients importants. On peut retrouver tous ces derniers éléments en pleine ville, majoritairement là où les espaces verts sont absents et où les gratte-ciel dominent.
Différence de températures entre le centre-ville de Montréal et un quartier résidentiel parsemé de verdure.
Le premier ingrédient est une dose d’instabilité. Elle survient lorsqu’il y a une grande différence de température entre les couches d’air. L’air au-dessus des grandes villes tend à être plus chaud que ses environs, en raison du phénomène d’îlot de chaleur.
RAPPEL : L’expression « îlot de chaleur » est la différence de température entre les milieux urbains et les zones rurales. On peut également parler d’îlots de chaleur pour désigner un secteur urbain où la température est plus élevée que dans les environs.
Selon une expérience réalisée par MétéoMédia, lorsque la température globale au centre-ville de Montréal grimpe à 32,2 °C, elle se situe généralement aux alentours de 24,6 °C dans un quartier plus vert. Ainsi, on se retrouve avec une masse d’air nettement plus chaude au-dessus des grands centres. Cette masse monte en altitude où elle rencontre de l’air encore plus froid… et hop! L’instabilité est encore plus grande.
Toutefois, l’air chaud a besoin d’un petit coup de pouce pour s’élever, comme le passage d’un front, les vents ou une montagne, si la perturbation voyage en pleine nature. En ville, ce sont les gratte-ciel et hautes constructions qui jouent ce rôle.
En ville, les gratte-ciel jouent le même rôle qu'une montagne, en ce qui concerne la création de nuages et de précipitations.
Le dernier ingrédient s’invite quotidiennement au cours de la saison estivale : l’humidité. Il a déjà été mentionné qu’elle nourrit l’instabilité, en quelque sorte. Toutefois, elle joue un second rôle puisqu’elle augmente la possibilité de condensation. L’humidité, par définition, est le taux de vapeur d’eau dans l’atmosphère. En rencontrant les couches d’air plus froides en altitude, elle perd son statut de gaz et devient un liquide, une goutte de pluie.
Le secret des grandes villes
Par contre, les métropoles détiennent un ingrédient important dans le cas qui nous intéresse. On le retrouve partout sur Terre, mais son taux est nettement plus élevé en ville : la pollution. En effet, les nombreuses particules de pollution présentes dans l’air des grandes villes agissent comme des noyaux de condensation, ce qui favorise la création de nuages et de gouttelettes.
Généralement, la pollution est davantage élevée à Montréal. À l'été 2023, elle a atteint un taux record en raison de la fumée des feux de forêt qui sévissaient dans le nord de la province. Crédit : Alexandra Giroux, MétéoMédia.
Fait intéressant, comme les particules de pollution sont très petites, les gouttes qu’elles forment sont aussi plus petites que la normale. Cela peut donc résulter en de la virga, ces précipitations qui s’évaporent avant d’atteindre le sol.
Un long processus
Bref, tout ce processus se déroule souvent pendant une journée chaude d’été, où le Soleil réchauffe l’atmosphère et les villes en après-midi, faisant augmenter la température et l’instabilité. Donc, en fin de journée, on se retrouve avec un nuage formé à 100 % par la ville. Ensuite, on a besoin d'un élément perturbateur, comme le passage d'un front ou un changement de masse d'air, pour que la pluie et les orages puissent se mettre de la partie. Si le nuage est assez haut en altitude et qu'un courant ascendant propulse les gouttes, le nuage peut aussi contenir de la grêle. Éventuellement, le nuage arrive à saturation et explose. Cela survient souvent au-dessus des villes voisines.
Les zones en bleu représentent des précipitations liquides. Ici, elles se sont formées grâce aux villes. Crédit : Robert Simmon et Jesse Allen, basée sur les données du Global Precipitation Analysis de la NASA, 2006.
Ce phénomène est particulièrement présent au Texas. Marshal Shepherd, professeur des Sciences de l’atmosphère et de Géographie à l’université de Géorgie, a étudié le phénomène à partir d'images satellites de la NASA, entre 1998 et 2006. Il a remarqué une anomalie positive de précipitations à l’est des grandes villes texanes. Il s’agirait de pluies créées par les métropoles, qui ont été poussées par les vents de mer.
Il faut cependant préciser que ce processus est la base du phénomène. Il faut garder en tête que chaque ville du monde détient d’autres particularités propres à elle, qui peuvent renforcer ou réduire l’intensité de cette création de nuages. Des plans d’eau ou un relief plus montagneux aux alentours peuvent avoir un impact.
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