L’hiver se décale au Québec
Les normales saisonnières sont calculées sur trente ans, et changent tous les dix ans. À l’heure actuelle, les normales utilisées sont celles calculées entre 1981 et 2010. À partir de 2021, puisque nous sommes entrés dans une nouvelle décennie, les nouvelles normales seront calculées sur la période 1991 à 2020. On peut d’ores et déjà constater qu’au Québec, l’impression générale se vérifie : l’hiver se décale.
Mise en contexte
Réjean Ouimet, expert météorologue à MétéoMédia, explique qu’une normale saisonnière est une notion climatique et elle est calculée sur trente ans afin « d’absorber les exceptions météorologiques mineures qui peuvent intervenir ».
En éliminant la décennie 1980 des calculs, et en la remplaçant par la décennie 2010, cela permet aux météorologues et aux experts du monde entier d’utiliser les valeurs les plus récentes, afin de mieux se rendre compte de l’évolution des températures.
« L’exemple le plus frappant est celui de la décennie 1970, qui était vraiment froide », indique M. Ouimet, avant d’ajouter que lorsqu’elle était utilisée dans les calculs « les températures pouvaient facilement être au-dessus des normales ». Lorsqu’elle a été éliminée au profit de la décennie 2000, la norme ne fut plus la même.
Puisque nous sommes entrés dans une nouvelle décennie, les années 1980 ne seront bientôt plus prises en compte lors des calculs, au profit des années 2010. Brian Brettschneider, climatologiste, a récemment publié un graphique mondial établissant la différence des normales entre 1991 et 2020 (celle que l’on utilisera), versus celles entre 1981 et 2010 (celle que nous utilisons à l’heure actuelle), pour les mois de janvier et février.
Au Québec
À l’échelle du Québec, on peut constater que les nouvelles normales de janvier et février sont plus élevées que les précédentes... Et particulièrement en janvier. « Le graphique de M. Brettschneider ne prend pas en compte décembre, mais si l’on suit ses calculs, on peut constater qu’au Québec, les nouvelles normales de décembre sont plus élevées qu’avant », explique Réjean Ouimet, indiquant que si l’on prend décembre et janvier « les moyennes sont 0,5 °C plus élevées ».
« Pour les mois de février et de mars, les nouvelles normales saisonnières au Québec sont relativement les mêmes que les précédentes : février connaîtra une augmentation de l’ordre du dixième de degré, par exemple », explique notre expert.
Par conséquent, « avec une augmentation de 0,5 °C des normales de saison de deux tiers de la saison hivernale au Québec, et une stagnation des normales pour février et mars, l’impression d’un décalage de l’hiver se vérifie », précise Réjean Ouimet.
Ce que cela veut dire
« Concrètement, avec le changement des normales saisonnières, on constate un réchauffement du mercure au Québec, et un décalage de l’hiver », explique notre expert météorologue.
Ce décalage saisonnier pourrait être expliqué par ce refroidissement des normales de saison dans le centre des États-Unis en janvier et février. « Le froid se développerait dans cette zone en décembre, s’installerait en janvier, et glisserait vers le Québec en février et mars », suppose M. Ouimet, avant d’expliquer qu’il s’agirait ici « d’une piste d’explication ».
Notre expert météorologue va plus loin et se demande « pourquoi une aussi grosse zone dans le centre des États-Unis constate une baisse de ses normales, tandis que partout ailleurs dans le monde, c’est plutôt l’augmentation qui est à l’honneur ». Selon lui, cela pourrait venir du réchauffement des océans qui forment des crêtes des deux côtés de l’Amérique du Nord, « ce qui pourrait permettre au froid de s’installer entre les deux ».
Réjean Ouimet modère toutefois son hypothèse et ajoute que de nombreux facteurs doivent être pris en compte pour établir une théorie formelle, « comme l’impact de la fonte des glaces en Arctique, l’intensité du vortex polaire, etc. ».
Pour aller encore plus loin...
Notre expert météorologue explique que si les normales de saison évoluent, les standards suivent : « les dernières années, les hivers furent plus doux par rapport à l’ancienne normale ! Mais si l’on remonte la barre d’une coche, elle sera plus difficile à dépasser ».
Par conséquent, cela veut dire que si janvier et février étaient généralement au-dessus des normales lorsque celles-ci étaient calculées entre 1981 et 2010 ; mais avec le rehaussement de la barre, ces mois ne sont plus qu’à 50 % au-dessus des normales, si elles sont prises en 1991 et 2020.