Les inondations, plus traumatisantes qu'on pense
Choc post-traumatique, anxiété, dépression : les effets sur la santé mentale des personnes victimes d’inondations majeures sont nombreux. Discussion avec Lily Lessard, professeure au Département des sciences de la santé de l'Université du Québec à Rimouski, afin de comprendre les effets psychologiques de ces catastrophes météorologiques.
Au cours des dernières années, Mme Lessard s’est intéressée aux impacts des inondations majeures sur la santé mentale des sinistrés. Dans la première phase de réponse en sécurité civile, c’est-à-dire la préparation, plusieurs ressentent une grande anxiété en anticipant le déroulement des événements à venir. « Ceux qui l’ont déjà vécu savent ce qui s’en vient, et ceux à qui ce n’est jamais arrivé vivent de l’anxiété face à l’inconnu », explique-t-elle.
Au moment de l’intervention, plusieurs vont se retrouver dans un état de stress important. « À ce moment-là, la première préoccupation, c’est la sécurité. Normalement, ce stress-là va diminuer avec le retour vers la normale, mais il arrive parfois qu’il perdure pour toutes sortes de raisons », ajoute la professeure. L’ampleur des dommages occasionnés ainsi que le déroulement des événements jouent notamment un rôle dans le temps de guérison. La chercheuse ajoute que « si ça se produit pendant la nuit, par exemple, ça requiert des évacuations qui n’étaient peut-être pas anticipées, et on voit les taux de chocs post-traumatiques augmenter ».
« On se rend compte que la phase de rétablissement en sécurité civile et celle de rétablissement en santé mentale ne concordent pas dans le temps. On va avoir fait le ménage, on va être de retour dans nos maisons, mais les impacts sur la santé mentale vont perdurer vraiment longtemps », explique la chercheuse dans le domaine de la santé communautaire. Lorsque les états de détresse psychologique persistent, les problèmes de santé mentale durables ont tendance à se manifester. Dans des études récentes, Mme Lessard a observé les impacts des inondations de 2019 sur les populations situées à l’ouest de la province. « Les taux de troubles anxieux, d’états de chocs post-traumatiques et de dépressions sont nettement supérieurs chez les personnes qui ont été inondées », ajoute-t-elle.
Nouvelles cartographies
Au cours des prochaines années, les zones inondables seront cartographiées avec davantage de précision. Le vocabulaire sera simplifié : les zones seront classées selon leur niveau de risque, c’est-à-dire faible, moyen ou élevé, plutôt que par cote. « Ce que les nouvelles cartographies peuvent amener d’intéressant pour les facteurs de protection de la santé mentale, c’est de nous permettre de mieux nous préparer à ces événements-là. Actuellement, les zones ne sont pas super claires. Maintenant, ça va être plus en fonction des risques et de l’ampleur de l’inondation, en mesurant les courants, les types de dommage qu’il peut y avoir. Les gens vont être mieux informés », explique Mme Lessard.
La professeure ajoute que « dans la préparation, ça peut aider, mais d’un autre côté, ça peut être anxiogène de savoir qu’on vit dans une zone potentiellement à risque. [Elle] pense qu’il y a un accompagnement à faire dans la présentation de ces nouvelles cartographies ». Ces nouvelles cartographies seront, selon elle, un bon outil pour les communautés afin qu’elles travaillent ensemble à revoir leur façon d’habiter le territoire. « Les inondations ne sont pas nécessairement un frein au développement, il doit juste se faire différemment en fonction de ces aléas ».
Ressources offertes
Si la majorité des sinistrés trouvent du soutien psychologique auprès de leurs proches, des services de première ligne — offerts entre autres par des travailleurs sociaux et des médecins — sont disponibles pour ceux qui en ressentent le besoin. La Croix-Rouge canadienne propose des ressources pour se relever à la suite d’une crise et des lignes de soutien téléphonique, comme Allô, j’écoute, sont également disponibles.
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