Les municipalités plus actives en matière de développement durable
Les récentes inondations au Québec ont mis en évidence l’importance de soutenir les villes et les régions pour mieux protéger les populations contre les impacts socio-économiques des phénomènes météorologiques extrêmes, exacerbés par le réchauffement climatique. C’est là tout l’enjeu du développement durable aujourd’hui : protéger les communautés contre ces aléas tout en les préparant aux défis environnementaux futurs.
C’est dans cette optique, entre autres, que le ministère des Affaires municipales et de l’habitation (MAMH) du Québec a publié un nouveau portrait du développement durable dans 1 108 municipalités locales et 87 MRC du Québec. Ce rapport aborde 19 enjeux répartis en trois dimensions : environnementale, sociale et économique.
En tant que géographe dont les recherches portent sur les indicateurs et les pratiques de développement durable au niveau des villes et des régions, l'auteur du présent article a contribué à la réalisation de ce rapport par la collecte d’informations et de données provenant des sites web des municipalités et des sources gouvernementales.
Ce rapport révèle que les municipalités québécoises, petites et grandes, sont en transition vers un développement plus durable – et sont même plus actives qu’on ne le pense.
Sur certains enjeux, la possibilité d’assujettir les municipalités à la Loi sur le développement durable mérite d’être étudiée, car plusieurs d’entre elles ont déjà adopté des mesures en ce sens. Dans un tel scénario, elles seront tenues d’agir conformément aux principes énoncés dans la Loi et d’en rendre compte, à l’instar de l’ensemble des ministères et agences gouvernementales.
Une telle initiative exigerait toutefois de bien distinguer les exigences en fonction de la taille et du niveau d’urbanisation des municipalités. Elle nécessiterait aussi une collaboration plus étroite avec d’autres ministères et organismes gouvernementaux qui soutiennent diverses actions sociales, environnementales et économiques menées par les municipalités. Finalement, elle exigerait une gouvernance de données efficace.
Dans cet article, l'auteur propose un aperçu de sept enjeux tirés du rapport du MAMH sur lesquels une majorité de municipalités québécoises sont actives.
1. La cohésion sociale
La cohésion sociale vise à créer une société équitable et inclusive qui répond aux besoins de ses membres, tout en tenant compte de l’évolution démographique. 95 % des 1108 municipalités locales et 90 % des 87 MRC du Québec s’en préoccupent, ce qui est encourageant. En effet, l’accentuation du changement climatique affectera surtout les groupes les plus vulnérables tels que les personnes âgées et entraînera une hausse des migrations, notamment en provenance de zones touchées par des phénomènes météorologiques extrêmes, qu’elles soient locales ou internationales.
Les mesures les plus courantes au Québec comprennent le programme Municipalité amie des aînées et aînés (74,4 % des municipalités), les Municipalités alliées contre la violence conjugale (61,3 %) et la Politique familiale municipale (28,8 %).
Ces initiatives visent à favoriser la participation des aînés, lutter contre la violence conjugale et soutenir les familles, grâce à des programmes, infrastructures et services adaptés.
2. La gestion des matières résiduelles
La gestion des matières résiduelles est le deuxième enjeu le plus important pour les municipalités locales (85 %).
Plus précisément, on parle de 834 municipalités qui ont mis des initiatives en place pour réduire les déchets et encourager le recyclage. Les écocentres, présents dans 582 municipalités (52,5 %), sont des lieux de dépôt volontaire, souvent gratuits pour les citoyens, qui acceptent les matières résiduelles destinées au recyclage, à la valorisation et parfois au réemploi.
La collecte des matières organiques est une autre mesure répandue, mise en œuvre par 557 municipalités (50,3 %). De plus, 41 municipalités (3,7 %) ont choisi de bannir le plastique et les articles à usage unique pour réduire l’impact environnemental de leurs déchets et ce nombre inclut de petites municipalités de 10 000 habitants ou moins.
3. Les changements climatiques
En matière de changements climatiques, le Programme Climat municipalités a été central au financement des actions municipales de réduction des émissions de GES et d’adaptation.
La phase 1, en 2009, a financé les inventaires d’émissions et plans d’action de 265 municipalités participantes, tandis que la phase 2 a soutenu des projets novateurs de 59 municipalités.
Depuis 2000, le Fonds municipal vert a financé 170 projets environnementaux dans 102 municipalités québécoises. On parle ici de projets variés en efficacité énergétique comme à Mercier et Plessiville, ou encore en aménagement du territoire comme à Bromont et à Saint-Valérien.
4. La gestion de l’eau potable et des eaux usées
La gestion de l’eau potable et des eaux usées concerne près de 60 % des municipalités.
Les mesures principales s’inscrivent dans la Stratégie municipale d’économie d’eau potable (56,1 % des municipalités), le Programme d’infrastructures municipales d’eau (PRIMEAU) pour 65 municipalités, majoritairement de moins de 10 000 habitants, et le Programme d’excellence Municipalité Écon’Eau, davantage adopté par les municipalités de 100 000 habitants et plus.
5. La participation citoyenne
Plus de la moitié des 1108 municipalités (50,4 %) ont adopté des mesures pour encourager la participation citoyenne, par exemple dans l’élaboration d’un projet ou d’une politique publique.
Les initiatives les plus populaires incluent le vote par correspondance (30,7 %), l’urbanisme participatif (27,2 %) et le budget participatif (4,2 %).
Ces mesures permettent aux citoyens de s’impliquer activement dans la prise de décision et la gestion communautaire.
6. La mobilité et le transport
Parmi les mesures les plus courantes en matière de mobilité et transport, 405 municipalités (36,6 %) ont mis en place des services de transport collectif comme les autobus et les taxis collectifs. Ces services offrent une alternative à l’utilisation de la voiture individuelle et permettent une mobilité à un plus grand nombre de personnes.
De plus, 64 municipalités (5,8 %) participent au Programme d’aide financière au développement des transports actifs dans les périmètres urbains, favorisant la marche et le vélo comme modes de déplacement.
Par ailleurs, 58 municipalités (5,2 %) comme Saint-Eustache et Drummondville, ont adopté un plan de mobilité durable, intégrant la planification et la gestion des transports dans une vision à long terme du développement urbain. On parle ici d’un ensemble de mesures comme l’amélioration des infrastructures cyclables et piétonnières, l’augmentation de la desserte en transport en commun, la sécurisation et l’embellissement des rues, l’installation de feux piétons, la réduction de la vitesse, la création d’intersections plus sûres et l’expansion du réseau cyclable, ainsi que le verdissement des rues pour atténuer les îlots de chaleur.
7. L’alimentation et l’agriculture
Enfin, 421 des 1108 municipalités adoptent des mesures liées à l’alimentation et à l’agriculture, principalement celles de 2 000 à 10 000 habitants.
Les mesures incluent des initiatives d’agriculture et potagers communautaires (84 municipalités), la réglementation sur l’élevage, la pisciculture et l’apiculture (77 municipalités) et l’adhésion aux Fleurons du Québec (30 % des municipalités). Cette dernière est un programme de reconnaissance des efforts d’embellissement horticole des municipalités québécoises (30 % des municipalités).
Une approche unique ne convient pas à toutes les municipalités
Ce portrait réalisé par le MAMH montre que plus de 85 % des municipalités québécoises mènent des actions couvrant les trois dimensions du développement durable, mais leurs priorités varient selon leur taille et leur niveau d’urbanisation.
Pour mieux soutenir les efforts des municipalités en développement durable, le gouvernement pourrait établir des objectifs et des programmes qui tiennent compte de leur situation géographique et des progrès déjà réalisés. Par exemple, il faudra envisager des approches distinctes pour les deux communautés métropolitaines de Montréal et de Québec, les autres grandes villes de plus de 100 000 habitants, les municipalités situées dans une zone métropolitaine et celles hors de ces zones.
Concevoir de tels programmes ciblés est aujourd’hui possible, car les données plus précises et fiables permettant au gouvernement d’ajuster ses interventions en fonction des réalités locales et régionales existent. Cependant, face aux disparités en termes de capacités, ressources et compétences numériques des municipalités québécoises, il faudra commencer par établir un système qui faciliterait l’accès, la production, la confidentialité, le partage et l’exploitation des données relatives au développement durable au service des municipalités. Ceci permettrait au gouvernement d’optimiser ses interventions tout en réduisant le fardeau lié à la reddition de compte pour les administrations municipales dont la vaste majorité dispose de ressources humaines limitées.
Cette réflexion autour d’un tel système est au cœur d’un nouveau projet soutenu par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada piloté au Département d’études urbaines et touristiques de l’ESG-UQAM, en collaboration avec l’Institut EDS de l’Université Laval et le MAMH.
Cet article de Juste Rajaonson, professeur en études urbaines à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), est republié à partir de La Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.