Maladie de Lyme : un nouveau traitement
Mark Klempner, Faculté de médecine de l'Université du Massachussetts
Les États-Unis et le Canada sont aux prises avec une épidémie insidieuse de la maladie de Lyme. Si on ne traite pas cette maladie, causée par une bactérie transmise par une tique infectée, on peut se retrouver avec des symptômes tels que l’arthrite et des troubles cardiaques et neurologiques.
C’est la maladie la plus commune causée par les tiques aux États-Unis, et les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies estiment qu’environ 300 000 personnes la contractent chaque année. Au Québec, en 2019, quelque 340 cas de maladie de Lyme ont été déclarés.
Des scientifiques, des médecins et des écologistes tentent depuis des décennies de ralentir la propagation de la maladie de Lyme et de la tique à pattes noires, ou tique du cerf, porteuse de la bactérie qui en est responsable. L’aire de répartition des tiques continue néanmoins de s’étendre. Aujourd’hui, plus de 50 % de la population américaine vit dans une zone où l’on trouve de ces tiques. Au Canada, la maladie est particulièrement répandue dans les régions du centre et de l’est du pays.
La Food and Drug Administration a approuvé un vaccin contre la maladie de Lyme en 1998, mais cela a donné lieu à une controverse et le vaccin a été retiré du marché après trois ans. Les chercheurs continuent d’essayer d’élaborer un vaccin humain et de stopper la propagation de la maladie par d’autres moyens, notamment en utilisant l’édition génomique pour immuniser les souris qui peuvent transmettre la bactérie aux tiques, en tuant des chevreuils et en ayant recours à des pesticides pour réduire la population de tiques.
Mes collègues et moi avons travaillé sur un autre type de prévention, par une injection annuelle. Je suis chercheur en médecine spécialisé dans les maladies infectieuses et une grande partie de ma carrière a été orientée vers la prévention de la maladie de Lyme. Je suis aussi vice-chancelier exécutif de MassBiologics, à la faculté de médecine de l’Université du Massachusetts, seul fabricant à but non lucratif et agréé par la FDA de vaccins et de médicaments biologiques aux États-Unis.
Notre méthode, connue sous le nom de Lyme PrEP, consiste à injecter un anticorps aux patients au lieu de tenter d’activer leur système immunitaire pour qu’il fabrique lui-même des anticorps, à la manière des vaccins. Le principe est d’administrer l’anticorps une fois par an avant le début de la saison des tiques. Nous avons publié plusieurs articles évalués par des pairs sur cette méthode, notamment sur son succès chez les souris et les primates non humains. Dans le courant de l’année, nous devrions commencer notre premier essai de phase 1 chez les humains.
L’échec du vaccin
En 1998, la FDA a approuvé un vaccin composé d’antigènes protéiques provenant de la surface de la bactérie de Lyme, la Borrelia burgdorferi. Le principe de la vaccination consiste à introduire des protéines de l’agent pathogène dans le corps pour déclencher une réponse immunitaire de l’organisme, ce qui comprend la fabrication d’anticorps contre les protéines bactériennes.
On utilise cette méthode pour prévenir et traiter les maladies infectieuses depuis plus d’un siècle. Dans le cas du vaccin de Lyme, il faut parfois plusieurs mois pour que la personne acquière le niveau d’immunité nécessaire pour prévenir l’infection. De plus, certains anticorps induits par le vaccin peuvent avoir des effets « hors cible », ou effets secondaires.
Le vaccin, appelé LYMErix, a largement réduit le risque d’infection, mais a été retiré du marché après trois ans en raison de ses limites et d’une polémique.
Il fallait administrer ce vaccin plusieurs fois sur une durée d’un an avant que l’immunité ne se développe. Comme on ne connaissait pas la durée de l’immunité générée, il était possible que des injections de rappel soient nécessaires. En outre, le bruit autour d’effets secondaires, tels que l’arthrite, signalés par certaines personnes vaccinées a contribué au déclin de sa popularité.
Aujourd’hui, une société française de biotechnologie, en collaboration avec Pfizer, est en train de travailler à un vaccin contre la maladie de Lyme. Ils en sont rendus à l’étape des essais cliniques.
Une approche différente
Lyme PrEP ne fonctionne pas comme un vaccin. Il utilise un seul anticorps humain, ou protéine sanguine, pour tuer la bactérie dans l’intestin de la tique pendant qu’elle prend son repas de sang et avant que la bactérie ne puisse pénétrer dans le corps de l’hôte humain.
Nos recherches nous ont permis de découvrir qu’un seul des anticorps que les humains développaient après quelques injections du vaccin LYMErix suffisait à prévenir l’infection. Nous avons donc identifié cet anticorps qui procure l’immunité et l’avons testé sur des animaux où il s’est avéré efficace à 100 %.
Les études sur des animaux ont démontré que Lyme PrEP confère une protection dès l’injection, car il circule dans le sang. Contrairement à un vaccin qui déclenche la production de nombreux anticorps qui ne contribuent pas tous à la protection, mais dont certains peuvent engendrer des effets secondaires, cette approche utilise un seul anticorps, réduisant ainsi le risque d’effets indésirables.
Des essais avec une injection unique de Lyme PrEP ont protégé des souris pendant plusieurs semaines.
Les humains, cependant, doivent être protégés plus longtemps, probablement pendant les neuf mois où plus de 90 % des cas se produisent. Nous avons développé Lyme PrEP de manière à prolonger ses effets protecteurs. Cependant, la durée réelle de protection devra être évaluée dans le cadre d’essais cliniques.
Notre objectif pour l’essai clinique de phase 1 qui aura lieu dans le courant de l’année est de tester l’innocuité du traitement et de déterminer combien de temps les anticorps restent dans le sang des humains.
Pour l’essai de phase 1, nous voulons éviter de tester l’anticorps de la Lyme PrEP sur des volontaires qui pourraient avoir déjà été en contact avec la bactérie de Lyme et avoir développé une réponse immunitaire qui risquerait de brouiller les résultats. C’est pourquoi les premiers tests seront effectués sur des gens qui n’ont jamais été exposés à la maladie de Lyme.
Si tout se passe bien, les essais cliniques de la phase 1 s’achèveront en 2021. La phase 2 visant à tester l’innocuité et l’efficacité sur un petit groupe de volontaires suivra, puis on entamera un essai de phase 3 avec un plus gros groupe de volontaires. Nous espérons terminer cette étape à la fin de 2022 ou en 2023.
La pandémie de Covid-19 a mis en lumière le fait que, lorsqu’il est question de maladies, il vaut toujours mieux prévenir que guérir.
Mark Klempner, Professeur de médecine et vice chancelier de MassBiologics, Faculté de médecine de l'Université du Massachussetts
Cet article provient de The Conversation sous license. Cliquez ici pour lire l'article original.