Après Montréal, la planète se réunit à Cali pour sauver la biodiversité

On estime qu’il y a un million d’espèces menacées sur Terre. L’activité humaine est en grande partie responsable du déclin de la biodiversité auquel on assiste depuis presque un siècle. Des négociations internationales s’ouvrent cette semaine à Cali, en Colombie, afin de réparer la cicatrice profonde que l’humanité a infligée à notre habitat.

Lors du sommet de la Terre à Rio en 1992, deux mécanismes planétaires de négociation ont vu le jour. Ils portent le nom de Conference of the parties ou COP. Le premier est dédié au climat, l’autre à la biodiversité. On connaît bien les conférences sur le climat qui se tiennent tous les ans dans le cadre de la négociation d’une entente entre tous les pays pour limiter et réduire nos émissions responsables du dérèglement climatique. Les COP portant sur la biodiversité, quant à elles, sont dédiées à la restauration des écosystèmes de notre planète que nous malmenons depuis plusieurs décennies.

Les deux COP ont un fonctionnement similaire. Il s’agit d’établir des cibles et de négocier la façon de les atteindre. La seule différence est que, contrairement aux COP climat, qui se réunissent chaque année, les COP biodiversité sont bisannuelles. La dernière a eu lieu à Montréal en 2022. Durant celle-ci, un cadre mondial sur la biodiversité a été adopté. Tous les pays signataires de la convention sur la biodiversité biologique se sont entendus sur les cibles à atteindre.

Ces cibles sont nécessaires si l’on veut que la planète continue de subvenir à nos besoins. La destruction de nombreux écosystèmes au fil des décennies met en péril notre survie. La cible phare de la convention c’est la protection de 30 % des terres et des océans d’ici 2030. Mais il y a aussi deux autres cibles importantes qui ont été négociées à Montréal, comme la restauration de 30 % des écosystèmes qui se sont dégradés et la diminution des subventions accordées aux industries dont les activités affectent la biodiversité. Afin de respecter la convention, les subventions doivent être réduites de 500 G$ d’ici 2030.

Selon Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec, c'est sur ce dernier point que les négociations seront les plus ardues. On peut s’attendre à une forte opposition de l’industrie agroalimentaire comme les compagnies qui possèdent de vastes complexes de production de bœuf au Brésil. Elles bénéficient d’importantes subventions gouvernementales bien qu’elles soient responsables de la destruction de grandes portions de l’Amazonie. On peut aussi s’attendre à un bras de fer avec l’industrie des pesticides, souligne madame Simard. Ces entreprises, tout comme celles qui font de la pêche commerciale, ont un impact majeur sur la biodiversité. Elle souligne aussi que l’industrie forestière est responsable de la déforestation massive dans certains pays, ce qui cause la perte de plusieurs habitats. Si l’on veut prendre soin de la biodiversité, il y a plusieurs pratiques qu’il va falloir changer, ajoute-t-elle.

Lors de la COP de cette année, les pays devront déposer leurs engagements afin de restaurer et protéger la biodiversité mondiale. Commencent ensuite les négociations, car certains pays traînent de la patte ou mettent sur la table des plans d’action peu ambitieux. Selon madame Simard, il faudra se méfier des pays qui affirment qu’ils ont créé des aires protégées, mais qui, dans les faits, laissent encore des activités comme le braconnage avoir lieu dans ces zones dites protégées. De plus, dans plusieurs cas, personne n’a vérifié leurs affirmations. On ne veut pas non plus que les pays créent des aires protégées en expulsant les autochtones qui s’y trouvent. Ceux-ci ont des droits ancestraux qu’il faut respecter. La protection du territoire doit se faire de façon équitable, rappelle madame Simard.

Une autre facette qui pourrait ralentir les négociations, c'est la question du financement. Dans la majorité des cas, les pays les plus pauvres veulent faire leur part, mais n’en ont pas les moyens financièrement. Ils demandent donc à la communauté internationale de les aider. C’est en général dans les pays les plus pauvres que la biodiversité est la plus riche. En stoppant les subventions annuelles de 500 G$ aux entreprises néfastes pour la biodiversité, à l’échelle mondiale, on pourrait utiliser ces fonds pour venir en aide aux pays en développement sans refiler la facture aux citoyens.

Lors de cette COP, il faudra aussi stopper les efforts de ceux qui désirent instaurer une taxe « biodiversité », comme c’est le cas dans la lutte aux émissions qui dérèglent notre climat où une taxe carbone est instaurée dans plusieurs pays. On ne peut pas permettre à une industrie de poursuivre ses pratiques destructrices pour la biodiversité en lui permettant simplement de payer pour pouvoir continuer de détruire les éléments dont dépend notre survie sur Terre, souligne l’écologiste. La biodiversité, c’est ce qui nous permet de respirer, de boire et de manger sur Terre. Il est faux de croire que l’on ne peut conjuguer économie et écologie. Selon la Banque mondiale, 50 % du PIB mondial dépend de la biodiversité. Non seulement la perte de celle-ci met en péril notre survie, mais elle met aussi grandement à risque l’économie mondiale.

Le Québec, en tant qu'État intranational, n’a pas signé la convention sur la biodiversité biologique. C’est donc le Canada qui déposera son plan d’action. Madame Simard rappelle que le Québec a déjà son propre plan d’action et elle espère que celui du Canada sera aussi ambitieux que le requiert l’état de la biodiversité. Soulignons, en terminant, que le secrétariat de la convention est situé à Montréal.