Un hiver à l'eau : loin d'être une mission impossible
La neige cède de plus en plus de terrain à la pluie durant les hivers québécois. Mais serait-il possible d'en arriver à avoir un hiver avec plus de pluie que de neige? Oui c'est possible. À certaines conditions.
Une tendance
Quand on pense à un hiver québécois, on pense à la neige. Cette réalité demeure pour la plupart des régions. Mais il semble y avoir des brèches qui se créent dans cette réalité. Surtout pour le sud de la province. À la lumière des données des normales en évolution au Québec, on pourrait penser qu'un hiver dominé plus par la pluie que par la neige est en train de devenir une réalité.
La neige en avance
Historiquement, sur une longue période, la quantité de neige observée en hiver au Québec est nettement plus grande que la pluie. Il y a tout de même des nuances, et elles sont de plus en plus importantes. Selon la moyenne des 30 dernières années, les précipitations sous forme de pluie totalisent 63 % du total des chutes sous forme de neige à Montréal.
Les chiffres
Dans le cas de Québec et de Gaspé le total de pluie représente respectivement 34 % et 30 % du total en neige. Pour ces deux villes, la marche est donc très haute si on veut que la pluie l’emporte sur la neige. Mais pour la région de Montréal, l'écart est beaucoup moins important. Voyons ce qu'en disent les chiffres pour les hivers de 1991 à 2020.
Il faut savoir que l'on considère que l'eau contenue dans la neige représente habituellement un dixième du volume d'eau sous forme liquide. En d'autres mots, si vous faites fondre 10 cm de neige, vous finirez avec 10 mm d'eau. Avec un écart plus serré pour Montréal, on serait portés à croire qu'un hiver avec plus de pluie que de neige y est possible. Avec raison, car ça s'est produit six fois depuis 1942, soit lors des années 1980, 1981, 1983, 2007, 2012 et 2013.
Encore El Niño
Qu'est-ce qui peut expliquer un tel dérèglement en faveur de la pluie en hiver? Une partie de la réponse pourrait être El Niño. Le phénomène était présent lors de quatre des six hivers en pluie à Montréal. Il faut dire que les hivers doux favorisent évidemment la pluie au détriment de la neige. Et souvent, El Niño pousse dans le sens de la douceur.
Mais d'autres éléments sont à considérer. Le mois qui se détache dans de telles situations est décembre, qui est le plus chargé en pluie. Normal quand on considère que la valse-hésitation du début de nos hivers ouvre la porte à la pluie. D'ailleurs, lors de cinq des six hivers plus arrosés qu'enneigés à Montréal, décembre a été le mois qui a reçu le plus de pluie de tout l'hiver.
Un déficit général
On s'en doute, les hivers plus susceptibles de connaître de la pluie plutôt que de la neige sont les hivers plus doux que la normale. Mais également les hivers où les précipitations totales sont sous la moyenne, en raison du déficit de neige. Dans chacun des cas lors de ces hivers, la neige est tombée sous la normale pour les mois de décembre, janvier et février. Le déficit de neige donne une chance à la pluie de combler l'écart.
Revenons aux six hivers plus arrosés qu'enneigés à Montréal. Quatre de ces hivers ont été plus doux que la normale. Et dans cinq cas sur six, les précipitations ont été sous la moyenne annuelle. Lors des six hivers sur six, il y a eu moins de neige que la moyenne. C'est donc plus la neige qui a manqué que la pluie qui a été en excès.
Dans une classe à part
On dit souvent que l'exception confirme la règle, et c'est peut-être le cas de 2019. C’est le seul cas avec plus de neige que la normale, quoique de très peu. Et assez curieusement, c'était un hiver froid, au cours duquel la pluie a tout de même tenu son bout. De fait, le gros de la pluie est tombé en décembre lors de l’installation de l’hiver. Une partie de la pluie de l’hiver est tombée en pluie verglaçante en raison du froid.
Une autre réalité
Si on monte un peu au nord, soit à Québec, la réalité change. Pour que la pluie surpasse la neige, on se rapproche de la mission impossible. C'est arrivé une seule fois depuis 1943, en 2004. Finalement à Gaspé, il y a eu plus de pluie que de neige une seule fois, en 2022-2023. Avant l'hiver dernier, la neige dépassait largement la pluie dans cette région. Une seule fois le combat a été un peu serré, en 1996-1997. On avait compté 132 mm de pluie contre 167 cm de neige.